Chronique film : Hunger

de Steve McQueen.


Là je vous conseille pas de cliquer sur l’image. Mais c’est comme pour vous.

Bon comme film sympa du dimanche après-midi, Hunger n’était sans doute pas le choix le plus judicieux. En racontant le « Blanket and no-wash protest », cette grève de l’hygiène dans les prisons d’Irlande du Nord, Steve McQueen choisit des partis pris de mise en scène très radicaux, qui ont clairement pour but de tordre les tripes au spectateur.

La première partie racontant l’intégration d’un nouveau prisonnier est quasi muette, sans explication, on est plongé dans un univers difficilement soutenable d’un point de vue psychologique et visuel. Il faut le dire, c’est assez choquant, et nos habitudes hygiéniques font que l’estomac se soulève toutes les deux minutes en voyant les vers qui grouillent, les matières marronnasses étalées sur la murs, et la pisse répandue dans les couloirs. La deuxième partie assène un dialogue de plus de 20 minutes entre un prisonnier, le meneur de la révolte, et un prêtre, dont 15 bonnes minutes de plan fixe, en contre-jour. On est étourdi par ce soudain flot verbal après cette experience en apnée. Souvent difficile à suivre, on est à nouveau bousculé, mais cette fois-ci par une joute verbale. Le prisonnier annonce son intention d’entamer une grève de la faim, le curé tente de l’en dissuader. Les deux points de vue s’affrontent, se chevauchent, et on essaie de d’y trouver une place, de comprendre les enjeux. C’est difficile, mais moins que la dernière partie, montrant la déchéance physique du prisonnier durant sa grève de la fin. Très peu de mots également, juste la détérioration d’un corps, plié à une volonté de fer.

McQueen ne cherche pas à se faire aimer, et c’est tout à son honneur. Le film est difficile, exigeant, radical, n’hésite pas à montrer, mais aussi à expliquer durant la deuxième partie pourquoi tout ça. Le souci, c’est qu’au final, on en retire pas grand chose, on ne sait pas véritablement ce que McQueen veut raconter. Tout est léché, millimétré dans sa mise en scène, dans ses cadres, ses lumières, malgré la crasse, le film a un côté extrêmement esthétisant qui dérange à la limite plus que ce qu’il montre. Il veut à toute force nous soulever le coeur, ça marche certes. Le problème c’est qu’on n’est pas dans un film d’horreur, mais dans un film politique et humain. Les hommes et leur combat finissent par disparaître dans ce processus qui cherche à tout montrer (mais surtout ce qui est crade), et la réflexion qui aurait pu être très belle dans ce film (le corps comme ultime champ de bataille dans le combat politique), disparaît derrière la mise en scène choc.

Mitigée donc entre admiration pour la radicalité et la provocation, et doutes sur l’adéquation entre le fond et la forme. Nspp.

4 réflexions au sujet de « Chronique film : Hunger »

  1. Nous l’avons vu hier soir et avons autant été dégouté que nous l’avons aimé par tout ce qu’il amène …
    Nous avons au contraire trouvé les personnages très présents dans leur solitude, les non-dits, la violence qui les entoure et celle qu’ils s’infligent pour tenter de la battre ; nous avons trouvé au milieu de toute cette merde une grande humanité …
    Mais jusqu’où peut-on aller pour ses idées ???

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