Chronique film : Antichrist

de Lars Von Trier.


Tu doutes, je parie. Clique.

C’est marrant comme parfois, tout le monde (ou presque) a tort. Honnêtement, j’ai du mal à comprendre l’acharnement critique contre ce film : c’était très drôle d’entendre les protagonistes du Masque et la plume tourner en ridicule le film, mais franchement, ils étaient complètement à côté de la plaque. Antichrist est un objet fascinant, qui vous happe quasiment dès le début pour ne rien lâcher. Effectivement, le prologue, très lent, d’un noir et blanc léché, sur musique classique, est un peu clippesque et ne convainc pas tout à fait. Mais ce bémol passé, difficile de se détacher de l’écran, et même les 3 connards malpolis et ricanants devant moi, n’ont pas réussi à me déconcentrer de ce spectacle.

Nul doute que Lars Von Trier va mal. Et comme c’est un immense metteur en scène, au lieu de rester à se torturer dans son coin, il choisit pour exorciser ses démons de réaliser un film. Et quoi de plus logique pour exorciser ses phobies que de choisir de réaliser un film d’horreur ? Parce qu’en fait, Antichrist, c’est ça : un immense film d’horreur, balayant tous les codes du genre. C’est sans doute ça d’ailleurs qu’on reproche à Trier : un metteur en scène reconnu et sérieux n’a plus le droit, passé un certain stade de notoriété, de réaliser un film d’horreur. Antichrist c’est une plongée entre Bergman, Coraline, Bug et Evil Dead. Trier retourne à sa veine fantastique de l’Hôpital et ses Fantômes et c’est formidable.

Un couple perd son enfant. L’homme est thérapeute. Il est persuadé qu’il peut aider sa femme mieux que les petits cachets. Entre hypnose et thérapie comportementale, il entraîne sa femme dans le lieu catalyseur de toutes ses peurs : un chalet nommé Eden, perdu en forêt, et dans lequel la femme et l’enfant ont passé tout un été tous les deux, pour qu’elle finisse sa thèse sur les « Gynocides ». Et là, ça part gravement en sucette. Visiblement, il y a quelque chose dans les bois.

Trier brasse allègrement les codes du genre : isolement du couple dans un univers cradouille et menaçant qu’il ne maîtrise pas (la nature, avec ses mystères, ses tiques, ses mammifères sanguinolents), vieux parchemins humides couverts d’images de bûchers et de tortures, révélation finale, ennemis intérieurs, … on retrouve beaucoup de clichés, que Trier utilise allègrement de manière taquine : il se fait plaisir en pastichant ces éléments, mais le tout est tellement cohérent, tenu, qu’il réussit à entraîner tout ça dans son univers à lui. Malsain, entre kitsch gore, exubérance noire à la Bosch, métaphores appuyées, Trier ose tout, va jusqu’au bout de sa démarche et réussit tout : Antichrist fait peur, agresse, provoque, interpelle, questionne malmène. Et comme dirait G. « c’est tout ce qu’on demande à l’Art ».

Alors vous dire si Trier est misogyne, moralement déviant, cul-béni, sadique ou je ne sais quoi, je n’en sais absolument rien (je défie bien quelqu’un de vraiment comprendre ce qu’il y a dans la tête de Lars Von Trier), et je m’en fiche un peu. La mise en scène est immense, inventive, audacieuse, les acteurs formidables, le twist final d’une classe aussi grande qu’inattendue, la bande-son obsédante. Un moment horrifique et unique.

4 réflexions au sujet de « Chronique film : Antichrist »

  1. Le film ne repose pas sur du suspense et pourtant on est maintenu en haleine tout le long. C’est sans doute dû à l’horreur/la violence des scènes. Un fois le choc passé (et une bonne heure), on revit et on se dit que c’était vachement bien (mais on achetera pas le dvd).
    Hourra pour ta critique.

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