Chronique livre : Ma dernière création est un piège à taupes – Mikhaïl Kalachnikov, sa vie, son oeuvre

d’Oliver Rohe

Voilà un bouquin terriblement futé et affûté, malin comme ça n’est pas permis, et véritablement passionnant. Ceux qui me connaissent un peu seront probablement étonnés de me voir lire un tel livre: je tremble devant la moindre tapette, considère le couteau à pain comme une arme de destruction massive, et pleure pendant trois semaines, lorsqu’à bout de nerfs, je me vois contrainte de tuer une souris à coup de granulés empoisonnés. Un livre sur l’inventeur de l’AK-47, c’était donc un peu beaucoup de violence armée pour la lectrice que je suis. Mais la manière de procéder d’Oliver Rohe vaut son pesant de munitions.

L’auteur a choisi trois points de vue pour raconter le périple de cette arme : la biographie de son inventeur, l’histoire de l’arme elle-même ou plutôt l’évolution de l’arme dans l’Histoire et enfin, la description d’images emblématiques de l’usage de cette arme et de sa portée symbolique. De ce croisement, cet entremêlement entre le biographique, l’historique et la représentation d’un phénomène, naît une réelle profondeur, une vision en 3D du sujet. La vie de Kalachnikov révèle un ingénieur quasi-autodidacte, dont la folie monomaniaque créatrice et perfectionniste, est finalement à la (dé)mesure de l’histoire de l’arme qu’il a inventée. Cette folie créatrice, de l’arme idéale, a “porté ses fruits”, puisque l’utilisation massive et durable de l’AK-47, encore aujourd’hui est à la hauteur de l’intransigeance et de l’efficacité de son créateur. Mais tout l’intérêt de l’étude de l’histoire du fusil, c’est cette inversion symbolique de son utilisation, révélateur de l’évolution de la société. Tout d’abord arme purement communiste, puis “récupérée” par les groupuscules révolutionnaires de tous types, l’AK-47 est aujourd’hui un véritable symbole capitaliste, une marque de fabrique, dont les ventes et le trafic rapportent des sommes phénoménales. Glaçant.

L’écriture d’Oliver Rohe sobre, efficace, directe, n’est pourtant jamais asséchée. Et la construction alternée du récit en apporte tout le sel et la profondeur. Belle découverte.

Ed. Inculte fiction

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