de Georges Didi-Huberman.
L’oiseau s’est posé sans le savoir entre barbarie et culture.
Précieux sont les amis qui vous conseillent des livres précieux. Et c’est le cas de ces Ecorces, bouleversante déambulation dans certaines pages les plus noires de l’Histoire. En juin 2011, Georges Didi-Huberman se rend à Auschwitz-Birkenau. Il y prend quelques photos. De retour, les images sous les yeux il s’interroge. Ecorces est le résultat de ces interrogations. Quelques photos, des courts textes pour les accompagner. Courts mais intenses, riches, profonds.
Mais elle est bien lisible encore, et lisible avec elle le temps qui l’a périmée.
Chaque photo est l’occasion d’une exploration archéologique personnelle et historique. L’auteur décortique les strates, à la fois des lieux visités, et de leur muséification actuelle, mais aussi de sa propre perception des lieux, des photos.
Mais que dire quand Auschwitz doit être oublié dans son lieu même pour se constituer comme un lieu fictif destiné à se souvenir d’Auschwitz ?
Georges Didi-Huberman ne cherche pas à comprendre le pourquoi, mais s’interroge sur le comment, la manière de. De montrer, de faire passer le message.
Mais faut-il une réalité clairement visible – ou lisible – pour que le témoignage ait lieu ?
Le livre ne donne jamais de leçon, mais force à se poser des questions, et guide le lecteur dans son propre chemin face à la représentation. Il y a en ça quelque chose de généreux, et de poignant dans cette démarche, à la fois très personnelle et ouverte, simple, presque modeste et pourtant d’une beauté et d’une profondeur renversante.
Ecorces n’est pas un livre sur le pourquoi, c’est un grand livre sur le comment, et le lecteur est un lecteur heureux d’avoir été considéré comme un être pensant, et pas seulement comme un réceptacle. Magnifique.
Ed. Editions de Minuit
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