de Kathryn Bigelow.
La traque de Ben Laden, voilà ce que nous raconte Zero Dark Thirty. Pour des besoins dramaturgiques, le scénariste a choisi comme fil conducteur l’itinéraire d’une jeune et jolie agent de la CIA, Maya, dont la détermination féroce finit par aboutir à la capture d’Oussama Ben Laden.
Le film commence par des scènes de tortures, menées de main de maître par un gars avec lequel on irait bien boire une bière (parfait Jason Clarke). Il n’y a pas de complaisance là-dedans. C’est filmé de manière froide et clinique, et c’est très éprouvant pour le spectateur. Puis le film se poursuit par la description minutieuse des rouages des services secrets et de leur fonctionnement. Maya visionne des films, recoupe des informations, interroge des suspects, passe à deux doigts de la mort, et utilise toute sa force de conviction pour persuader sa hiérarchie et indirectement le président Obama, du bien-fondé de ses découvertes.
On pense beaucoup au brillant Contagion de Steven Soderbergh par la minutie, la précision, la rigueur dont font preuve Boal et Bigelow. D’un point de vue du pur cinéma, le film est incroyable, à la fois sérieux et spectaculaire : les scènes de torture, les attentats, et bien sûr la scène de la mort de Ben Laden. Tout est précis, et se tient cinématographiquement par des personnages rendus solides, crédibles en seulement quelques plans.
Mais voilà, outre le fait d’être sortie vraiment lessivée, hagarde et flageolante de la séance, j’ai passé toute la durée du film à me dire, d’accord, oui, brillant, mais pour quoi faire ? Qu’est-ce qu’on nous raconte là ? Et franchement, je n’en ai pas la moindre idée. La volonté serait a priori de coller au plus près aux événements qui se sont déroulés. Soit. Malgré tout, il y a des effets de dramatisation évidents notamment cette personnalisation de la traque en Maya. Mais pourquoi vouloir faire un film non documentaire, collant au plus près des événements ? Quel est le but de cette reconstitution ? Un pur film d’action ou montrer la vérité vraie mais pas tant que ça ? Il me paraît totalement impossible ou inconscient de choisir un tel sujet si on veut réaliser un pur divertissement. Non, la traque de Ben Laden est un sujet fondamentalement politique. Le problème c’est que je ne vois absolument pas ce que le film nous dit sur le sujet, à part quelques relents éventuels (et encore pas sûre) sur les bienfaits de l’utilisation de la torture. Dans le registre espionnage, récemment, Argo, avec une réalisation bien moins léchée, un point de vue plus appuyé nous raconte mine de rien beaucoup plus de choses, nous fait bien plus réfléchir que ce film-là.
Zero Dark Thirty montre mais ne réfléchit pas, et ne fait pas réfléchir, et franchement quel est l’intérêt ? Du moins quel est l’intérêt d’utiliser la fiction pour expliquer comment s’est déroulée cette traque ? Forcément pour divertir le spectateur, le faire frissonner, et faire plein d’entrées au box-office, et là, pour moi, ça coince un peu beaucoup. Il reste un film brillant cinématographiquement, mais dont l’absence de point de vue et cette volonté affichée de “montrer vrai”, annihile tout intérêt pour moi, et le rend même, quelques vingt-quatre heures après le visionnage, assez détestable. Zero Dark Thirty est un film qui ne m’interroge que sur lui-même et pas sur le monde autour et mon rapport à celui-ci. Et ce n’est pas ça que j’attends du cinéma.
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