de Quentin Tarantino.
On s’imagine la séance durant laquelle Tarantino survolté expose à ses producteurs revenus de tout le pitch de Django Unchained, à coup de Fucking revenge of the bloody black man before the fucking secession war travelling with a bloody german dandy killer. Et contrairement à Zero Dark Thirty, durant lequel je n’ai cessé de me demander à quoi pouvait bien servir ce film, la réponse avec Django Unchained est évidente : mais parce que c’est fun. Et par dessus le marché, le film est très loin d’être une complète crétinerie, et revêt même parfois une puissance symbolique assez ravageuse.
Soit le Dr Schultz, chasseur de prime allemand éclairé et âpre au grain (jouissif Christoph Waltz). Il prend à son service, à la régulière ou presque, un esclave, Django, qui l’aidera à reconnaître visuellement ses prochaines cibles. Entre le tueur et Django, il se passe un truc. Plus à l’aise avec l’assassinat de méchants qu’avec le concept d’esclavage, Schultz se prend carrément d’amitié pour son “valet” lorsque celui-ci lui parle de sa femme, son grand amour, Broomhilda, esclave également ayant appris par sa maîtresse la langue allemande et portant le nom d’une héroïne des Nibelungen. Les voilà donc partis à traquer les méchants, puis rechercher le belle Broomhilda.
Tarantino ose absolument tout dans ce Django Unchained, ça part dans tous les sens avec beaucoup de fantaisie, parfois attendue (Nan, il va pas oser ? Ah si…), et parfois pas du tout. Évidemment, on a droit à des litres et des litres d’hémoglobine, des tueries par paquet de vingt. Bref, tout ce qui fait la Tarantino’s Touch. Ce qui est totalement réjouissant, c’est le travail sur les anachronismes, à la fois par la manière de filmer, et par l’utilisation du son (bruitage et bande originale). Au niveau de l’image, on passe du western classique, aux images d’un clip de rap. La bande-son est à l’avenant, faisant le grand écart en trois secondes entre du Verdi ou du gangsta-rap (enfin genre, je n’y connais rien). Mais ce qui m’a le plus fait marrer, c’est l’utilisation des bruitages, bruits d’hélicos par exemple, avant une attaque du KKK, dont les membres brassent du vent, et se font malicieusement souffler par ce bon Dr Schultz.
Et puis, comme je l’ai dit en introduction, le film est très loin d’être une simple bouffonnerie, et porte en lui une puissance symbolique, certes pas légère, mais vraiment fascinante. C’est la vengeance de l’homme noir à laquelle on assiste ici. Pour faire ça, Tarantino invoque tous les fondamentaux et clichés de la culture black, Django devient une figure puissante, intégratrice de toutes les humiliations passées, mais aussi la force, l’élégance. Et sa vengeance ne manque pas de panache. Le personnage de Schultz est également très intéressant. Tout d’abord, chasseur de têtes prêt à tout, on découvre progressivement un homme qui possède sa propre morale. Si tuer des braqueurs de diligence ne lui fait ni chaud ni froid, il a plus de mal avec l’esclavage, à la fois d’un point de vue conceptuel et humain. Cet homme éclairé, sous couvert d’aider son pote dans sa quête amoureuse, commence alors à mener un combat contre l’obscurantisme, jusqu’à son acte de sacrifice final. Le Dr Schultz porte en lui la culpabilité accumulée des agissements de l’homme blanc, et son sacrifice peut-être vu, à la fois comme preuve ultime d’amitié, mais également comme acte de rédemption au nom de l’amour et de l’égalité. Et puis sans doute pour Christoph Waltz une façon de se racheter de son personnage de colonel nazi dans Inglourious Basterds.
Malin, intelligent, jouissif, Django unchained est un très grand film, et en plus super super FUN.