Chronique film : Le Direktør (Direktøren for det Hele)

de Lars Von Trier

Tout d’abord, rendons à César ce qui est à Shangols : le o barré. Merci à Gols de me l’avoir offert, présent rare et précieux, le ø restera à jamais dans mon cœur. Sans lui, cet article aurait été parsemé de Directobarrér. Shangols, votre auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu, on pourrait l’appeler l’auberge du bon Dieu s’il… oh la je m’égare là.

Revenons à notre Directør. Un acteur raté est engagé par un patron d’entreprise couille-molle pour jouer le rôle du directeur général de la boîte. Voila le début tout simple d’une histoire marrante et grinçante.

Avec le Direktør, Lars Von Trier repousse encore un peu plus loin les limites du dogme. « Abandonnant » le cadrage et le montage à une machine (merci à Shangols pour cette inestimable et primordiale information), la forme est hautement surprenante. On s’y fait bien au final, à ces non-cadres, et ce non-montage, agaçant certes, mais intéressant.

Par contre, côté écriture, là, Lars ne l’a pas abandonné à IBM. Les personnages sont tous excellents (Gols en a fait le catalogue essentiel ). L’acteur, entre Dussollier et Woody Allen, pris en étau entre sa morale et son cabotinage, la DRH qui sait s’y prendre avec les directeurs, la secrétaire terrorisée par son photocopieur, le traducteur débitant des saloperies avec un flegme exemplaire (dont le « Putains de danois », en direct du Kingdom Hospital)… ils sont tous excellemment écrits et excellemment joués, c’est « que du bonheur » comme on dirait à la télé. Grøsse cømédie très finaude, je vous conseille d’aller lire la brillante critique shangolienne ici, parce que j’ai un sacré coup de flemme pour blablater ce soir !

PS : Gols, j’en ai fait suffisamment ? ça te va ? j’aurai droit à mon susucre ? (j’aurais p’tet dû être DRH moi…)

Chronique film : The Good German

de Steven Soderbergh

Faisant fi des mauvaises critiques, toute prête à monter au créneau pour défendre un réalisateur inventif, expérimentateur et hors-normes, (et, il faut être honnête, pour l’argument majeur du film, qui ferait devenir midinette même la plus endurcie des saucisses : George Clooney), j’ai mis ma plus jolie jupe noire de femme pas fatale pour aller voir The Good German.

Bon, déjà, ça partait mal, j’avais revu Notorious du grand Hitch le matin même, et faire ne serait-ce que lui arriver à la cheville aurait déjà été un exploit. Il faut le dire sans détour : ce n’est pas le cas. N’est pas Cary Grant qui veut (désolée George), n’est pas Ingrid Bergman qui veut (désolée Cate), et surtout, n’est pas Hitch qui veut (sorry Steven). Bref, The Good German est un film assez raté.

Il s’agit pourtant d’un bel exercice de style « 50’s ». Tourné dans un noir et blanc très contrasté, un peu cramé, absolument sublime, The Good German raconte l’histoire d’un officier américain (George) envoyé comme journaliste dans un Berlin divisé, fantomatique, et dévasté par la guerre. Il y retrouvera son passé, en la personne d’une femme fatale (Cate Blanchett), juive berlinoise ayant survécu au massacre.

Je ne vous en raconterai pas plus tellement l’histoire est compliquée. Ne sachant que choisir entre film de suspense et histoire d’amour, Soderbergh se noie dans un emberlificotement scénaristique et parmi des personnages secondaires trop nombreux et peu passionnants. Bref, on n’arrive jamais à accrocher vraiment, on ne comprend pas exactement les enjeux, c’est embrouillé et platounet à souhait.

Vous me direz : reste Clooney… que nenni ! Inexistant, raide comme un piquet dans son uniforme amidonné, le héros se fait casser la gueule 3-4 fois (il est vraiment glandouille quand même), sans que ça émeuve le moins du monde. Tobey Maguire s’en sort un peu mieux en petit con profiteur. Cate Blanchett capte extraordinairement bien la lumière, mais elle est à peu près aussi trouble qu’une courgette.

Pas mal filmé, mais sans magie, sans passion, sans inspiration, ne reste que ce noir et blanc sublime et un peu glacial, le mélange avec des images d’archives réussi, et ce sens du cadre assez magique que peut avoir Soderbergh (qui est d’ailleurs aussi chef op’ sous pseudo, comme d’hab). Dommage, ça aurait pu faire un putain de beau film.

Chronique film : Inland Empire

de David Lynch

Comment critiquer l’insaisissable ? Inland Empire (l’Empire de l’Intérieur) est un OFNI à l’état pur. Tourné en vidéo, saynète par saynète, sans scénario pré-établi, avec pour principal fil conducteur l’actrice Laura Dern, Inland Empire se révèle être un véritable puzzle obsessionnel, dont les pièces se superposent, sans vraiment réussir à s’emboîter.

Autant le dire tout de suite, Inland Empire ferait passer Mulholland Drive pour un film pour enfants. Après un début frappant, expérience visuelle et sonore, une histoire quasi linéaire s’installe quelques temps : Nikki, une actrice au mari jaloux, est engagée dans un film, avec un partenaire, dragueur à deux balles. Au fil du tournage, l’histoire du film dans le film, et l’histoire « réelle » se confondent pour Nikki. Puis, dérèglement temporel, et tout explose.

Les pistes se multiplient, les indices s’accumulent (de 9h45, aux lampes rouges, la chambre 47). Une femme regarde fascinée la télévision en pleurant. Un sitcom avec des humains-lapins s’impose à l’écran régulièrement. On fait des excursions dans le milieu de la mafia polonaise, puis retour sur l’histoire de Nikki, mais est-ce toujours elle ? dans ce pauvre pavillon de banlieue, avec ce mari fadasse qui veut partir dans un cirque ? Et cette femme avec son tournevis dans le flanc, qui affirme avoir quelqu’un à tuer (magnifique Julia Ormond, rare et précieuse) ?

Sans qu’on s’en aperçoive, le film brasse tous les thèmes du couple, adultère, trahison, jalousie, perte de l’enfant, angoisses, peur de l’absence. Sur la forme, on assiste à un immense zapping mental, dans lequel se côtoie documentaires, interviews, fictions, sitcoms, variétoches, tous faux, les acteurs sautent de l’un à l’autre sans barrière aucune. A la fin, la femme hypnotisée devant sa télé, l’éteint, et retrouve son enfant et son mari (le même acteur que le mari fadasse cité précédemment !), folle de joie.

Peut-être est-ce là, la clé, ou au moins une des clés de cet immense fourre-tout : l’aliénation que nous avons aux médias, cette bouillie protéiforme que nous ingurgitons, dans laquelle tout finit par se mélanger, mais qui est le miroir de nos angoisses profondes. Evidemment c’est déroutant au possible, et l’esprit essaie de capter les moindres signes de cohérence, sans jamais y parvenir vraiment. L’histoire échappe, et s’enfuit au loin, dès qu’on s’en approche. Les acteurs sont immenses, d’autant plus qu’ils travaillaient sans filet aucun.

Ce collage improbable, cet « Empire intérieur », est servi par une musique entêtante, angoissante, mais le choix de chansons ne se révèle pas forcément toujours judicieux car trop concret dans cet univers sensoriel (sauf dans le générique de fin : un homme qui utilise l’hallucinant Sinner Man de Nina Simone n’est de toute évidence pas un mauvais bougre).

Alors oui, c’est long (presque 3h), oui c’est difficile, mais il faut avouer qu’on ne s’ennuie pas une seconde, et que les méandres de cet esprit sont véritablement fascinants. Futur grand chef d’œuvre ou futur oublié du cinéma expérimental, je ne saurai le dire. Peut-être que dans 5 ans, ce film sera considéré comme limpide, comme Mulholland Drive aujourd’hui, après avoir complètement troublé les spectateurs à sa sortie. J’avoue, que quand même, pour l’instant, je m’octroie le droit de préférer au caméléon Laura Dern, la prude et perverse Naomi Watts et la glamour et fascinante Laura Harring.

Chronique film : La Vie des autres

(Das Leben der Anderen)  de Florian Henckel von Donnersmarck

Allemagne de l’Est, 1984, un implacable officier de la Stasi est chargé de surveiller un écrivain trop lisse pour être honnête et sa compagne, actrice. Alors que l’écrivain, vraiment dévoué au système, se subversifie à la suite du suicide d’un de ses amis metteur en scène, interdit de travailler par la Stasi, l’officier commence à couvrir les agissements de l’artiste.

Le film débute très bien, par une glaciale démonstration des méthodes de la Stasi. L’officier, le regard glacé, entre dans la vie du couple, en fantôme, espionnant le moindre de leurs mots et de leurs soupirs amoureux. La pourriture et la perversion du système de la RDA sont très bien et très vite décrites. L’image est pour le moins germanique, on reste en permanence dans des couleurs derrickiennes, qui ne sont pas fantastiques, mais collent assez bien au propos.

Le vrai problème de ce film est sa longueur. L’introduction est formidable, la fin est jolie, astucieuse et assez émouvante. Mais le développement est long, beaucoup trop long, alors qu’on comprend assez vite la progression psychologique des personnages, et les motivations de leurs actes (la prise de conscience de l’écrivain, la faiblesse psychologique de l’actrice accroc aux pilules, l’humanisation à risques de l’officier). Il en résulte en moyenne un film très honnête et pédagogique, aux acteurs compétents, mais j’avoue avoir du mal à comprendre le dithyrambique des critiques et l’essaim de prix récoltés au gré des festivals.

Chronique film : Fur : un portrait imaginaire de Diane Arbus

de Steven Shainberg

On comprend aisément le fascinant de l’histoire de Diane Arbus, grande photographe du XXème siècle. Née dans les années 20, Diane Arbus, issue d’une « bonne famille », se marie avec un photographe et devient son assistante dévouée. Peu à peu le vernis craque et Diane s’émancipe pour devenir photographe à part entière.

Portraitiste de l’étrange, des géants, aux nains, en passant par les siamoises, bref, toutes sortes de « freaks » (elle avait même le chic pour freakiser les non-freaks), son oeuvre dresse un tableau surprenant et vaguement inquiétant des Etats-Unis dans les années 60. Dépressive, elle se suicide en 1971.


Fur n’est pas un film biographique au sens propre du terme, mais le pari (osé), de reconstituer, à partir de l’univers artistique de Diane Arbus, le passage de la femme au foyer parfaite, à l’artiste émancipée assumant pleinement son attirance pour le hors-norme.

Là où le bât blesse, c’est dans l’interprétation chichiteuse et fadasse de Nicole Kidman : les yeux mentholés en permanence, le souffle bruyant d’émotion dans 95% des scènes, elle est en totale roue libre, et rend peu crédibles les pulsions, exhibitionnistes, sexuelles, masochistes, macabres de cette femme. C’est dommage, le scénario, assez malin, nous donne beaucoup d’éléments pour rentrer dans cet univers, malgré une surenchère d’étrangetés loin d’être nécessaire.

La photo, assez jolie parvient à créer une ambiance agréable à l’oeil, ce qui n’est pas déplaisant. Mais bon, il faut le dire, le film est quand même assez raté, pas assez sombre, un peu superficiel, un peu long… Reste qu’on ne s’ennuie pas, et qu’on en sort avec l’envie d’en connaître un peu plus sur cette étrange artiste. Un bon film du dimanche soir.. tiens, ça tombe bien, on est dimanche soir !

(A voir aussi par tous les compléxés de la pilosité)
(Et oui, messieurs, on la voit à poil)