Chronique film : 4h44 Dernier jour sur terre

d’Abel Ferrara.

4h44-nbUn loft new-yorkais, Cisco et Skye y passent leur dernière journée avant la fin du monde. Skye médite ou peint et repeint une toile, Cisco s’interroge, assiste à un suicide et va prendre l’air. Tout autour les écrans (télévision, ordinateurs, téléphones, tablettes …) diffusent la rumeur d’un monde à l’agonie. Continuer la lecture de Chronique film : 4h44 Dernier jour sur terre

Chronique film : Argo

de Ben Affleck.

« La seule différence entre la réalité et la fiction, c’est que la fiction doit être crédible ».
Mark Twain

Parfois on se plante quand on lit un programme de cinéma, et en sortant de la salle, on se dit que c’était plutôt une bonne idée.

Iran,1979, les activistes islamistes prennent d’assaut l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Les employés de l’ambassade sont pris en otage mais six réussissent à s’échapper et se réfugient chez l’ambassadeur du Canada. Cependant ils restent menacés (et menacent également le sort des canadiens) et doivent rejoindre les Etats-Unis au plus vite. A Washington, les scénarios les plus rocambolesques sont imaginés, les faire passer pour des professeurs en agronomie, les faire fuir à vélo. Mais c’est l’hiver, il neige. Un agent de la CIA, expert en exfiltration, est appelé à la rescousse. Germe alors dans son esprit un scénario totalement rocambolesque (mais véridique) : il va exfiltrer les diplomates en les faisant passer pour un équipe de tournage canadienne repérant des décors iraniens typiques. Mais pour rendre le scénario crédible, il faut mouiller la chemise, monter un faux-vrai projet de film, ce sera Argo, nanar transsidéral orientaliste.

Le film réussit à trouver un équilibre assez bluffant entre la farce (le montage du faux film), et le suspense (l’exfiltration des otages). C’est vraiment bien fait, on a le trouillomètre à zéro jusqu’aux dernières minutes : le montage est au taquet, la mise en scène classique mais ultra-efficace. Tout est fait pour faire d’Argo un divertissement léché, et ça fonctionne parfaitement bien sur ce terrain là. On retiendra notamment l’évasion finale, qui fait hérisser tous les poils et rétracter les orteils de trouille, les montages en parallèle lors de l’élaboration du film entre Hollywood et la situation en Iran et aussi les quelques minutes du début, résumant l’histoire iranienne, mêlant images d’archives et reconstitutions. Ça marche impecc, et surtout, ça ouvre la réflexion sur les rapports entre le cinéma, et l’Histoire, ou du moins ses représentations, qui sont ici mis sur un pied d’égalité. Affleck affirme ainsi et à sa manière, le pouvoir de la fiction, la vraie fiction mais aussi celle qu’on créé à partir du réel, et à laquelle, de toutes façons, on a tous fondamentalement envie de croire. Malin, va !

Chronique film : Twilight – Chapitre 5 : Révélation 2ème partie

de Bill Condon.

Je pourrai vous servir une excuse bidon comme quoi je passais devant le cinéma, et il s’est mis à pleuvoir. Ou encore que j’ai raté ma séance et qu’il ne restait plus que Twilight… Mais non, c’est tout à fait de mon plein gré que j’y suis allée, l’état de délabrement de mes fonctions cérébrales ne pouvant supporter plus intellectuel en ce moment.

Bon état d’esprit ou soudaine indulgence, mais je dois avouer avoir pris un certain plaisir à ce dernier volet de la saga. Il m’a paru très court, alors qu’il doit bien atteindre les deux heures, et il est surtout assez rigolo : transformée en vampirette Bella devient un maîtresse-femme, frôlant la dominatrice (voyez comment elle chevauche le bel Edouard qui n’en revient pas), la famille rameute toute une bande de vampires et leur maison se transforme en un véritable bal costumé (en pagne dans la neige, ça doit pas faire chaud quand même) et une belle galerie de freaks. Tout un tas de petit points de détails nous montrent également qu’on a dépassé largement le stade du premier degré, et c’est plutôt bienvenu.

On peut noter aussi que le générique de début est particulièrement beau. La neige et le sang se mêlent, les flocons éclosent comme des fleurs, dans une circulation assez magique. Ce générique, c’est la renaissance de Bella dans sa peau de vampire, et ses sens qui s’affûtent sur les beautés et les cruautés de la nature. Et c’est plutôt joli.

Mais surtout, ce qui étonne c’est à quel point, dans ce 5ème volet, il ne se passe rien. Le film consiste en une longue attente, des préliminaires interminables avant une hypothétique bataille. Rien d’hystérique là-dedans, on prend même le temps de se dire qu’on s’aime, de passer du temps en famille, de faire l’amour et de rassembler les potes. Ca s’étire interminablement, mais sans jamais lasser. Et quand la bataille arrive tout de même, alors qu’on y croyait plus, sa violence éclate, les têtes volent, tout le monde meurt, c’est un carnage. Derrière cette soudaine explosion de l’univers miévro-kitsch de Twilight, on sent une sorte de jubilation de l’extrême, de révolte de l’ado qui pète enfin tout dans sa chambre. Malheureusement, par un twist assez futé, tout revient à la normal, avec une marveilleuse ode à la marveilleuse famille, à l’amûr qui dure toujours, enfin que des trucs qui n’existent pas donc, mais qui enchaînent les faibles esprits d’adolescentes à un idéal de vie aussi con qu’hypothétique.

Je maintiens la dangerosité de la saga sur les cerveaux de notre pauvre jeunesse, mais il faut avouer que, d’un point de vue cinématographique, tout ça est assez malin, avec ses multiples niveaux de lecture, ses motifs récurrents (et obsessionnels), son imagerie, l’évolution des personnages de la naissance du désir sexuel à l’apprentissage de la domination, de la libération de l’individu qui a vaincu sa propre peur et tombe le masque. Sur ce thème, la dernière scène est intéressante : Bella, dont les pensées et les sentiments étaient interdites au pourtant télépathe Edouard, laisse tomber son armure et se dévoile entièrement à celui qu’elle aime. Ouahhh, trop beau. Ca y’est. Je suis mordue.

Chronique film : Ted

de Seth MacFarlane.

Un gamin solitaire reçoit en cadeau de Noël un gros ours en peluche et fait le vœu que celui-ci devienne son meilleur ami. Ni une ni deux le miracle s’accomplit et le Teddy Bear se transforme en meilleur ami pour la vie. L’enfant grandit, et l’ours mûrit. Ensemble à la vie à la mort. Mais trentenaire, John a rencontré la belle Lori depuis déjà 4 ans, et elle commence à en avoir assez de vivre ce nounours immature à la maison en permanence. D’autant plus que Ted se révèle un copain pour le moins encombrant.

Drôle d’idée que d’avoir expédié toute l’enfance de Ted et de John en seulement quelques minutes. Le film se concentre du coup sur une toute petite période de la vie du couple John/Ted, celui où, arrivé à l’âge adulte, John doit prendre sa vie en main et réussir à faire les choix qui s’imposent. Le film n’a du coup pas grand-chose à dire.

Passé l’amusement de voir un ours en peluche, symbole cotonneux de l’enfance, fumer du hasch, baiser et jurer comme un charretier, il ne se passe rien. On comprend vite la symbolique de l’affaire, John est incapable de devenir adulte, se complaisant dans un boulot minable, préférant son pote à sa copine (pourtant ultra-méga-top, miss zéro défaut). Il est le symbole d’une génération qui n’a rien eu à combattre et ne réussit pas à dépasser un certain stade de son évolution. Soit. Vient se greffer là-dessus une piteuse histoire de kidnapping, qui elle, n’a vraiment rien à dire. Et comme bouquet final, et c’est là où Ted, sous ses dehors décomplexés n’est finalement qu’un film de l’Amérique puritaine comme les autres, on a droit à un magnifique couplet sur le mariage. Parce que, voyez-vous, devenir adulte, c’est se marier, avoir de l’ambition et puis savoir écouter les besoins de l’autre. Ahhhhh.

Alors parfois on rit aussi, il faut être honnête, certaines répliques particulièrement salaces font mouche (imaginez Ted tringlant Norah Jones avec un panais, par exemple), mais dans l’ensemble, tout ça manque singulièrement de fond, de mise en scène, de rythme et de construction. Une vraie déception.

Chronique film : Dans la maison

de François Ozon.

Enthousiasme sans limite pour le nouvel Ozon. En général, Ozon et moi, c’est tout ou rien, et Dans la maison remporte tous mes suffrages.

Un professeur de français désespère de ses élèves. A part de pizzas et de parties de foot, ils ne racontent pas grand chose dans leurs dissertations. Et puis le professeur tombe sur le texte de Claude. La copie se termine par (A suivre), parle de la maison d’un ami et de l’odeur si particulière des femmes de la classe moyenne. Il n’en faut pas plus au professeur pour se laisser prendre dans les rets de ce lycéen au visage diaboliquement angélique. Chaque jour l’adolescent rend un devoir et poursuit son histoire et son intrusion dans la vie de la famille “Rapha”. Germain, le professeur, intrigué par Claude commence à lui donner des cours particuliers durant lesquels il le guide, le conseille dans la construction de son récit. Mais Claude est-il vraiment en train de construire une fiction ? Dans quelle mesure ce qu’il raconte est la réalité ? Et dans quelle mesure Germain dicte-t-il sa conduite à Claude ?

Germain l’ignore, mais le spectateur aussi, manipulé qu’il est par les mots de Claude et les images que nous donne à voir François Ozon. Le trouble fluctue tout le long du film, sans jamais disparaître et crée une tension incroyable, un fil ténu sur lequel tout repose, mais qui pourrait se rompre à chaque instant. On jubile de cette tension comme on jubile de la manipulation affichée par François Ozon, cette manipulation en poupées russes : Claude manipule Germain en racontant de quelle manière il manipule les Raphas, tout ça sous la caméra d’Ozon qui nous montre bien ce qu’il veut lui aussi.

D’ailleurs cette caméra a rarement été aussi inventive, il y a environ une idée de mise en scène par plan, et le réalisateur manie son gouvernail avec une subtilité et une virtuosité colossales, trimballant son film de la comédie la plus déjantée au suspens le plus tendu, en passant par le mélodrame, le conte et la bluette. On pense un peu à Holy Motors dans cette manière d’explorer, via toutes les pistes de son histoire, tous les genres du cinéma. On passe donc, c’est cliché mais c’est vrai, du rire aux larmes, du rejet à l’émoi, et ce, en quelques secondes. Du grand art.

Et de l’art, justement il en est question. La femme de Germain tient une galerie d’art contemporain : pendules à 13 chiffres, poupées gonflables aux moustaches de dictateurs, le tout accompagné de discours ultra-formatés. Germain déteste ça, n’hésite pas à la dire à sa femme et c’est franchement hilarant. Tout est faux, mais tout est plus vrai que nature, Koons & cie sont rhabillés pour l’hiver.

Film stimulant, taquin et ambigu, Dans la maison est, je crois pouvoir le dire sans trop me tromper, un des meilleurs films de François Ozon. The big foot.