Chronique livre : Belle de jour

de Joseph Kessel.


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C’est toujours un grand plaisir que de lire du Kessel. La diversité des sujets traités dans ces romans ne cessent de m’étonner. Comment l’auteur du si viril « Les Cavaliers » peut-il écrire la miniature si fine que ce Belle de jour ? Le sujet conserve toute sa modernité, l’absence de plaisir charnel dans un mariage pourtant heureux, la recherche obsessionnel de ce plaisir par des voies troubles et destructrices, bref, cette espèce de dichotomie entre le cœur et le corps. Malgré le soufre de son sujet, il est vrai que contrairement aux Cavaliers, l’écriture de Belle de jour a bien un peu vieilli, et que le roman à un côté un peu désuet, notamment dans la description des réactions et des modes de pensées de ses personnages. L’écriture, très belle, reste bien empruntée et chaste, malgré les brûlants tourments qu’elle décrit. Mais ce qui est fascinant, c’est le côté très cinématographique du roman. On comprend aisément ce qui a poussé Bunuel à l’adapter. Le roman, malgré des descriptions finalement assez peu nombreuses est très visuel, et chaque scène se découpe avec netteté et dynamisme, comme des évidences. Bref, un joli moment, qui émeut par son ancrage dans son époque, et qui titille par les élans et tourments de l’âme et du corps.


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Chronique livre : Le Lion

de Joseph Kessel.

Ahhhh voilà, je suis tombée sous le charme absolu et la richesse de ce très court roman de Kessel, injustement relégué au rang de « livre au programme de la classe de 5ème ». J’étais passée au travers durant ma scolarité, l’erreur est réparée.

Un français voyageur fait escale dans une réserve royale kenyanne au pied du Kilimandjaro , dans l’espoir d’approcher la faune sauvage, et notamment les grands fauves. Pris d’amitié par la fille du directeur de la réserve, enfant sauvage, possédant un étrange pouvoir sur les animaux, il devient le centre des confidences de la famille entière. Le père, ancien chasseur émérite, reconverti en protecteur des bêtes, amoureux de la vie sauvage, mais également de sa femme, Sybille , au nom de prémonition, tiraillée entre son amour pour son mari et sa fille, mais terrorisée par l’existence dangereuse qu’ils mènent.

Sous l’apparente simplicité de l’histoire se cache une incroyable complexité et finesse des rapports humains. On est plongé au coeur d’un processus tragique, limpide, mais dont le crescendo abouti au drame final, annoncé bien en avance par le narrateur (« Mais le dénouement ? … Il faut que j’assiste au dénouement. »), mais qui demeure néanmoins d’une grande violence, et d’une grande force. L’enfant, Patricia , a élevé un lionceau, King, devenu grand. Le lion semble entièrement dévoué à la gosse, dont l’amour exigeant de l’enfance, l’orgueil démesuré de se croire la maîtresse du fauve, lui donnent un sentiment de puissance et de domination funeste. L’histoire est sous-tendue par un contexte d’inimitiés tribales entre les différentes ethnies du Kenya , ce qui complexifie, sans rien alourdir, les relations entre les personnages.

Le roman est pédagogique, certes, on apprend pas mal de choses, tout en étant une belle oeuvre littéraire, pleine d’intelligence, de compréhension de l’humain, dénuée de tout jugement malsain d’occidental face aux coutumes africaines. On sent au contraire un vrai respect et admiration des peuples africains, notamment les Massaï « Personne au monde n’était aussi riche qu’eux, justement parce qu’ils ne possédaient rien et ne désiraient pas davantage« . Pas aussi extraordinaire que Les Cavaliers, Le Lion est cependant, une petite merveille, humaniste et écolo, qui dénonce, de la plus belle manière, la vanité humaine à se croire le maître du monde.

« Et les bêtes dansaient. »