de Jean Giono.
Les vrais critiques littéraires diraient qu’ Ennemonde et cie est un roman beaucoup moins abouti que les grandes oeuvres de Giono. Ce n’est pas faux. Juxtaposition un peu éparse de textes qui n’ont pas dû être rédigés à la suite, le livre est cependant d’une immense puissance descriptive et évocatrice, d’une noirceur et d’une violence peu commune. La trame sous-tendant le livre est la montagne, la haute, où ne survivent que quelques arbres, des moutons et des bergers. Cette survie, autant pour les végétaux, les bestioles et les humains, nécessite une force considérable. Cette existence rude, pour tous, cet instinct nécessaire à cette survie est le fil conducteur du roman. On n’est loin de la description solaire et idéalisée de la vie en plein air, des bonnes bouffées d’air pur de la montagne. Le portrait est sans concession, cruel, c’est la loi du plus fort. Le serpent jouit d’engloutir ses proies vivantes, le berger tombe dans des abîmes de bêtise lorsqu’il se plonge dans l’oeil du mouton, le femme ressemble à une outre dès qu’elle enfante. Bref, à mille lieues du « et ça a fait hop » prononcé par une Orane Demazis permanentée. La seconde partie, laisse la part belle aux talents de naturalistes de Giono, et se termine par une historiette camarguaise. C’est magnifiquement écrit, mais plus anecdotique. Un roman décousu, certes, mais qui laisse des éclats indélébiles. Plus jamais je ne regarderai un mouton dans les yeux.