Chronique film : The social network

de David Fincher.

socialnetworkDavid Fincher se bonifie avec le temps, délaissant peu à peu son immense panoplie d’artifices. Je vous concède que je n’ai pas vu Benjamin Button, et The social network est clairement plus dans la veine de Zodiac que de Fight Club. Et c’est assez magnifique. Il émane de ce film une mélancolie immense, un sentiment de solitude infini.

The social network, c’est bien entendu Facebook, le réseau social qui a su supplanter tous les autres ou presque et s’imposer parmi des centaines de millions d’accros. David Fincher retrace dans The Social Network la naissance du site internet, jusqu’à son premier million d’inscrits. Comme sujet anti-sexy au possible, vous pouvez avouer que ça en impose. Voir des nerds en train de taper du code pendant deux heures a de quoi faire frémir, ce n’est pas très glamour. Mais Fincher est un cinéaste immensément doué, servi par un scénario excellent. Il centre son récit sur Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook. Zuckerberg existe vraiment, il est incroyablement jeune (né en 1984, ça complexe), et déjà milliardaire. A part ça, je ne connais absolument pas la part entre fiction et réalité dans ce film, et je m’en fiche un peu. Le concept de Fincher, c’est de faire Facebook le résultat d’une déception amoureuse, d’une incapacité quasi-totale à garder ses amis et à vivre en société. Et de voir cette énorme machine qu’est devenue le site comme le résultat d’une blessure intime, c’est juste renversant.

Fincher a choisi des acteurs quasiment inconnus, ce qui change des grosses pointures qu’il a l’habitude de manipuler. Et le choix est extraordinaire, ils sont tous excellents : de Mark Zuckerberg (déjà très bien dans Les Berkman se séparent), gamin mal dégrossi, incapable de tenir sa langue, à son seul ami trahi, en passant par les jumeaux harvardiens puants (inénarrable duo). Fincher réussit à trouver une manière de les filmer d’une grande sensibilité, attentif à ces gamins qui font comme ils peuvent pour rentrer dans le vie adulte, portant des bagages différents, et sociaux, et matériels, et affectifs. Pour raconter cette histoire, Fincher déploie une mise en scène absolument impeccable. Oubliant tous ses tics (ou quasi-presque, allez, reste un petit stigmate), il signe un film sobre, mais ultra-maîtrisé. Sa mise en scène joue sur les parallèles en permanence de manière brillante. Une scène du début est d’ailleurs magistrale, Zuckerberg piratant les photos des filles de l’université pour se venger de sa copine, pendant qu’une fête bât son plein, et que des greluches dansent quasi à poil sur les tables (faut le voir, c’est difficile à raconter). Le montage est serré, nerveux, mais toujours lisible, mêlant plusieurs époques différentes, de la création du site, à la multitude de procès qui sont tombés sur le dos de Zuckerberg.

Qu’il soit seul ou très entouré, c’est un immense sentiment de solitude qui lui colle à la peau. Le créateur du site sur lequel on peut se faire des dizaines d’amis par jour sera toujours seul, quoi qu’il fasse. Le film est ainsi plus le portrait de Zuckerberg qu’une critique de Facebook, même s’il ne cache rien des dangers du réseau (perte de sa vie privée, non maîtrise des données qui nous concernent, information immédiate diffusée aux quatre coins du monde, j’en passe…). A la fois portrait surdoué d’un surdoué informatique, et film classique sur le passage du monde dans une nouvelle ère (dans laquelle la vie privée n’existe pas), The social network est un film émouvant, profond, virtuose. La scène finale est magnifique, à la fois pitoyable et attendrissante, et Fincher signe par là un de ses meilleurs films, et certainement un grand film de cinéma. Superbe.

PS : Nous étions 8 dans la salle, pendant la séance 3 personnes ont textoté, et dès le début du générique 4 ont rallumé leur portable. Moi j’ai attendu d’être dehors. Juste pour prouver que, non, moi je ne suis pas aussi accroc. Mais si en fait. Tout pareil. Au secours.

5 réflexions au sujet de « Chronique film : The social network »

  1. Alors là… Ca ne me serait jamais venu à l’idée d’aller voir ce film, mais maintenant que je lis ta critique enthousiaste, j’ai bigrement envie !
    (aller hop, un petit tour sur facebook, arg.)

    Posté par djiwom, 03 novembre 2010 à 11:26
    8 dans la salle ? çà fait douter non ? tu es bigrement passionnée !

    Posté par Gérard, 03 novembre 2010 à 17:44
    Normalement, non
    A la suite de ta chronique, oui
    J’évolue

    Posté par OliCo, 04 novembre 2010 à 01:27
    NETWORK

    Djiwom : j’avoue que si ça n’avait pas été Fincher… mais oui vas y, je suis quasi sûre que tu vas aimer.

    Gérard : beaucoup aimé ce film, oui.

    OliCo : c’est bien quand c’est dans ce sens là !

    Posté par Anne, 08 novembre 2010 à 10:40
    OULÀ!

    Salutations,
    je suis tombé sur ton site (ou blog) pour ta chronique sur Pink Floyd – The Wall.
    Je me suis dit, tiens je vais lire une autre critique, mal m(en a pris!

    tu décent un momenument du Septième Art (car, oui, le film de Parker cité plus haut en est un) et fait l’apologie d’un film éphémère.

    Le Film de Parker est visionnaire, les sujets abordés et traités sont toujours d’actualité. Je peux concevoir qu’on ne l’aime pas, mais pas qu’on dise que c’est un mauvais film!

    Le Film de Fincher n’a aucune ambition, on le regarde, on se dit « ouais », pas vraiment de félexion derière, il est inutile. Certes, Fincher sait filmer et mettre en scène, mais là, il film et met en scène du vide…

    Bref, bref, bonne continuation à toi!

    Posté par Munin, 27 janvier 2011 à 14:55
    THE SN VS THE W.

    Munin : effectivement tout ça mérite bien un Ouh la… Il ne me paraît pas indécent de descendre un « monument du 7ème art » (pour The Wall je doute un peu de cette qualification, mais soit), lorsqu’on s’y est fortement ennuyé, et qu’on explique pourquoi … Je te ferai tout de même remarquer que je n’ai pas dit que c’était un mauvais film, mais qu’il avait vieilli. Je m’autocite « Intelligent dans la forme, audacieux, explosé et pourtant finalement très cohérent, force est de constater que le film a pourtant terriblement vieilli ». Voilà.

    En ce qui concerne Fincher, que veux-tu, son cinéma ne cesse de me toucher, et je le trouve au contraire très profond, risqué, plein d’ambition dans ses partis pris.

    Tout ça n’est finalement qu’une histoire de goût. Pas la peine de mener une félexion pendant des heures là-dessus.

    Bonne continuation à toi aussi.

    Posté par Anne, 27 janvier 2011 à 19:52

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