de Jean Echenoz.
Voilà un drôle de petit bouquin que celui-ci. Récemment un peu désappointée par Les Grandes Blondes, que j’avais trouvé déjà daté, c’est avec méfiance que je me suis lancée dans ce livre, hautement vanté par la critique en cette rentrée littéraire. Bien m’en a pris, tant l’écriture d’Echenoz, en racontant une histoire du passé, semble avoir pris un sacré coup de jeune.
Se plaçant dans la position du narrateur omniscient, mais également férocement critique envers son héros, Echenoz nous raconte l’histoire romancée du grand inventeur Nikola Tesla, scientifique encore aujourd’hui méconnu, et qui a pourtant inventé une quantité incroyable de choses, dont par exemple, le courant alternatif, la radio, le radar ou la télécommande (je vous conseille d’aller lire la biographie du sieur, assez impressionnante). Echenoz pour se permettre une grande liberté avec son sujet renomme Tesla en Gregor, et déroule son histoire de manière taquine et délicieusement irrespectueuse.
Sans aucun angélisme, l’écrivain dresse le portrait d’un homme brillant, beau, bref aux nombreux atouts, qui ne cesse de passer à côté de sa vie. Trop intelligent, trop intransigeant, trop m’as-tu-vu, trop asocial, trop spécial, trop en dehors, Gregor est incapable de gérer sa vie, et après quelques années fastes, finit seul, dans la misère au milieu de ses pigeons. Héros trop évident, le personnage composé par Echenoz devient progressivement le anti-héros total, gâchant chance sur chance, sa brillante intelligence, faute de ne pas savoir écouter les gens qui l’entourent, d’être trop enfermé dans son monde, dans ses principes, dans son incapacité à garder pied dans la vie quotidienne. Le narrateur nous le fait bien sentir, après tout il n’a eu que ce qu’il méritait, mais en même temps, comment ne pas être ému, ne pas ressentir de l’empathie pour ce raté magnifique auquel la société moderne doit tant de choses ? Comment peut-on raté sa vie privée avec autant de méthode, alors que son cerveau contient tous les germes de la science, toutes les idées les plus brillantes et innovantes du siècle ?
Le parallèle avec le film de David Fincher, The Social network, bien que surprenant est pourtant évident : deux hommes à la cervelle sur-développée, mais voués à la solitude éternelle par leur incapacité à s’intégrer au monde. Et c’est assez bouleversant. Des éclairs n’est pourtant pas un livre triste (contrairement au film de Fincher d’une grande mélancolie), tant l’écriture légère, les phrases courtes, le regard distancié et moralisateur du narrateur sont irrésistiblement drôles. On rit souvent sur le moment, et puis on réfléchit, et c’est très beau. Finalement, Des éclairs me donne envie de découvrir un peu plus Echenoz, de regarder mes prises électriques, ma radio et mes télécommandes avec plus d’émotion, et de me méfier un peu plus des pigeons. Un bon bilan.
deux hommes à la cervelle sur-développée, mais voués à la solitude éternelle par leur incapacité à s’intégrer au monde
Tu vas trouver cela étrange, mais cette phrase me bouleverse.
Touché-coulé.
OliCo : je connais trop le pouvoir des mots pour trouver cela étrange. Je trouve étrange que ce soient les miens qui fassent cet effet là ceci_dit.
un bon bilan…. et une folle envie de lire ce livre. merci anne pour ces mots précieux, cette finesse de jugement fouillé, argumenté . J’ai déjà lu du Echenoz , c’est un grand monsieur qui prends soin de ses mots comme toi…
Bilan
Dam : ça me touche beaucoup ce que tu dis, mais tu me surestimes ! Reviens me dire ce que tu en as pensé, ça me fera très plaisir.
je suis à la page 58. merci de tes passages .
Retour
Dam : il faudra revenir quand tu auras terminé