Chronique livre : Tous les diamants du ciel

de Claro.

Claro, l’homme qui écrit/traduit/lit/dézingue/statue/cuisine plus vite que son ombre, revient chez Actes Sud avec Tous les diamants du ciel, sans doute son roman le plus accessible, en tous cas parmi ceux que j’ai pu lire.

Rigoureusement construit en six chapitres de trois parties, chacun d’entre eux implanté en un (ou deux) lieu(x), sur une période de temps donnée, Tous les diamants du ciel a pour point de départ un événement historique : l’empoisonnement massif, en 1951, des habitants de la petite commune de Pont St Esprit dans le Gard, empoisonnement qui a provoqué pendant des semaines des phénomènes hallucinatoires difficilement maîtrisés par un corps médical et des autorités dépassés. Il faut un coupable, et avant de dénicher celui qu’on pourra juger en enfermer, c’est le pain qu’on accuse de tout ce grand fatras. C’est le pain qu’on accuse, notre héros tout relatif sera donc l’homme qui manipule le pain dès sa sortie du four, Antoine, mitron ex-enfant de choeur qu’on devine déjà légèrement algamatophile (lecteur démmerde-toi).

S’ensuit une plongée dans la psyché explosée par l’acide d’Antoine, et dans la psyché du village tout entier. La France rurale de l’après-guerre (mondiale) mais des débuts de la guerre (froide), se transforme cocotte-minute bouillonnante dans laquelle on voit des tigres et on se jette par les fenêtre. On fait des hypothèses, celles d’une farine souillée par l’ergot du seigle, et puis aussi plus récemment, d’expérimentations de la CIA d’une substance qu’on devinait d’avenir dans l’affrontement des blocs : le LSD. On quitte alors Antoine, pour trouver Lucy dont le goût de la chimie, et les méthodes sans façon qu’elle utilise pour se la procurer, la transforme vite en taupe de la CIA, goûteuse et distributrice de cet acide dont on n’a pas fini de tester les effets.

Bref, ne racontons pas tout, l’histoire n’étant d’ailleurs qu’un prétexte à l’écriture. Comme à son habitude, l’écriture de Claro réussit à créer tout un monde et ses ramifications à partir de presque rien, une feuille qui tombe ou l’anse d’une tasse à café, un monde rempli d’électricité dans lequel tout serait relié à tout et à rien, foisonnant, impoli et musical, un monde où tout persiste alors que rien n’existe. Le LSD, sujet rêvé alors, de l’auteur qui n’a, je pense, pas d’autre but que de plonger le lecteur, juste par la force de l’écriture, dans son vertige acide, tout comme il nous invitait à y plonger les mains.

Mais là où les lueurs verdâtres du radium hantait, “impressionnait” le lecteur de Cosmoz, et le faisait vibrer tout entier, le LSD, sujet sans doute trop évidemment, trop implicitement présent dans toute l’écriture de Claro apparaît comme normal, là où l’hallucination aurait été de rigueur. On admire toujours la virtuosité de l’écriture qui nous “entourbillonne”, cette manière d’aborder l’Histoire, ici de raconter les mutations rapides du monde de l’après-guerre sous un angle plus qu’original (il est question notamment des moyens de domination et de contrôle généralisé de l’esprit par la chimie ou par le sexe). Mais il manque un petit truc, et si l’écriture de Claro comble notre soif de mots et rassasie et ensemence notre esprit, elle ne réussit pas vraiment à faire vibrer la petite fibre sensible du lecteur, et à complètement le renverser.

Rien de rédhibitoire, Tous les diamants du ciel est assez passionnant, moins complexe que le livre-monstre/livre-monde qu’est Cosmoz et donc sans doute plus accessible pour ceux qui ne connaissent pas encore l’écriture de Claro. Juste, la prochaine fois, j’aimerais bien qu’il me déchire le coeur, en plus de tout le reste.

Ed. Actes Sud

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