d’Eric Pessan.
Muette parle, (…) pour mieux masquer à quel point elle habite le silence.
Muette est à l’âge de tous les dangers, l’adolescence pleine de questions, de bouleversements psychiques et physiques. Muette fuit sa vie, toute petite, ses parents, indifférents, et se réfugie dans une grange abandonnée, à quelques kilomètres de chez elle. Seule, confrontée à la nature, au champ des possibles et à ses propres limites Muette fait le point, laisse venir à elle ses pensées, ses blessures, ses rancoeurs, ses aspirations. Viennent parasiter ses pensées, en phrases brèves et fulgurantes, les paroles de ses parents, récriminations toujours ressassées, des plus anodines aux plus pernicieuses.
Avec Muette, Eric Pessan aborde le délicat sujet de l’adolescence, période de déséquilibre, de fermeture (la fin de l’enfance) et d’ouverture (le début de l’âge adulte), de basculement, période durant laquelle il est nécessaire de faire le deuil de celui qu’on est uniquement dans le regard des parents pour découvrir qui l’on est vraiment. Muette rejette avec radicalité son quotidien et surtout les violences invisibles mais infectieuses que sont les mots prononcés par ses parents, qui ne cessent de vouloir enfermer leur fille dans leurs propres regrets et échecs. Muette fuit son univers claustrophobique, projection permanente de choix non assumés qui ne sont pas les siens. Eric Pessan réussit à décrire les moindres frémissements de cette adolescence, son immense fragilité, mais également sa force, son énergie, sa résolution. Son écriture est précise, sensorielle, tranchante, à l’écoute des pensées et des sensations de Muette, connectée à la terre et au ciel.
Roman d’un apprentissage condensé, du deuil de l’enfance, de la découverte de soi, Muette révèle ce qui jamais n’est dit, les ravages du manque d’amour et d’écoute. Fort et sensible.
Ed. Albin Michel
P.S. : à découvrir, le très bon blog d’Eric Pessan « Parfois, je dessine dans mon carnet » dans lequel il croque au quotidien des petites pensées, humeurs, joies. Un régal.
Une réflexion sur « Chronique livre : Muette »