Chronique livre : Anthropologie

d’Eric Chauvier.

anhropologie800Première des enquêtes publiées par Eric Chauvier chez Allia, on trouve effectivement dans cette Anthropologie, tous les ferments de ce qui se déploie dans ses recherches futures. Tout commence par une rencontre un peu particulière, une femme qui fait la manche à un carrefour. L’automobiliste Eric Chauvier est interpellé par la vision de cette femme et cherche à comprendre ce qui lui arrive. Pour essayer de comprendre, il interroge les passagers qui l’accompagnent au sujet de cette femme, mais aucun ne lui apporte une réponse satisfaisante. Continuer la lecture de Chronique livre : Anthropologie

Chronique livre : Le Mec de la tombe d’à côté

de Katarina Mazetti.

La couleur, même là où on ne l’attend pas. Clique.

C’est toujours délicat quand on vous prête un bouquin de devoir le critiquer ensuite : si l’intérêt n’y est pas, en dire du mal peut blesser la personne qui vous l’a conseillé avec grand enthousiasme. C’est ce que je craignais avec ce livre dont le quatrième de couverture m’a fait frissonner d’angoisse : une sorte de romance sur fond de « l’Amour est dans le pré ». Hiiii.

Et pourtant. Katarina Mazetti sait y faire la bougresse pour réussir à maintenir son histoire gnangnan hors de la noyade. Par un tour de force assez miraculeux, l’histoire d’amour entre une diaphane bibliothécaire intello et un fermier rustaud tient vraiment bien la route. Et on se demande comment. Usant sur la forme d’un procédé littéraire quasiment infaillible en ce qui concerne le maintien de l’attention du lecteur (des chapitres courts exposant tour à tour l’histoire vue sous deux angles différents), Mazetti compose des personnages profondément humains, qui parviennent à échapper à la caricature derrière leurs stéréotypes. Il y a quelque chose de terriblement noir et cassé dans ces êtres, quelque chose qui a avoir avec la fatalité : un amour inconditionnel et pourtant inéluctablement impossible. Impossible compte-tenu de leur éducation, de la pression sociale, l’amour de ces deux-là est chimique, hormonal, viscéral, deux morceaux qui s’emboîtent pour deux mondes qui ne peuvent pas se rejoindre. Mazetti réussit également dans la composition des personnages secondaires, notamment la collègue de l’héroïne qui « collectionne » les vies des autres, et leur « emprunte » à l’occasion, ou dans son opposé, Martha, femme réduite en miettes parce qu’elle a voulu y croire.

Un très joli moment que ce roman. Sand doute vite oublié, mais beaucoup plus sensible et intelligent que son titre ne le laissait supposer. Ca réveille les papillons dans le ventre.

Chronique livre : Tours et détours de la vilaine fille

de Mario Vargas Llosa.


Pour mieux voir les tours et détours, clique image.

Ricardo, petit péruvien de la classe moyenne craque pour une petite chilienne délurée. Le temps passe, il émigre à Paris, et devient interprète. Il rencontre alors une camarade en route pour Cuba, c’est sa petite chilienne. Il retombe amoureux, mais elle s’échappe à nouveau. Des année plus tard, elle réapparaît dans sa vie en épouse d’un haut-fonctionnaire…

Une bien jolie histoire d’amour, romantique en diable que celle-ci, l’histoire de l’amour éternel d’un homme pour une femme qu’il sait ne pas pouvoir retenir. C’est bien écrit, joliment tourné. Le roman balaie calmement un demi-siècle d’histoire et diffuse une douceur légèrement surannée. Mais le livre est comme son héros, Ricardo, dont la vilaine fille ne cesse de critiquer le manque d’ambition : trop planplan pour être vraiment exaltant, il se lit avec plaisir, mais sans passion non plus. On attend forcément un peu plus de fougue et de noirceur de la part de l’auteur de la Ville et les Chiens, surtout sur un sujet aussi diablement romantique, mais Tours et détours de la vilaine fille se situe clairement plus dans la veine de Tante Julia et le scribouillard.

Un peu un bouquin de pépé quoi, dommage.

Chronique livre : Kafka sur le rivage

de Haruki Murakami.

Mon chef-conseiller m’ayant fourré d’office Kafka sur le rivage dans les mains, c’est avec délectation que j’ai entamé cette pavasse japonaise à la couverture énigmatique, et au titre bizarre. Le style, ou plutôt l’absence de style, cette neutralité maladroite de l’écriture gène un peu, sans doute liée à la traduction, sans doute pas. Les dialogues sonnent faux comme dans tout bon téléfilm, et cette platitude entraîne un manque de relief, qui berce et agace tour à tour.

Kafka Tamura, un jeune garçon de quinze ans, fugue du domicile paternel pour échapper à une malédiction funeste, Nakata, un ancêtre sachant causer aux chats*, est obligé de fuir Tokyo, poussé par une mystérieuse force qui l’attire. Les trajectoires se croiseront, forcément, après moult péripéties incongrues, et délires mystiques.

Mondes parallèles, interférences temporelles, pour qui a lu un tout petit peu de SF et de fantaisie, Murakami a l’imagination d’une huître, et ses rebondissements semblent bien maigrichons. Bourré de références littéraires, picturales, spirituelles, le livre tourne parfois au catalogue, tant on sent le maître désireux d’étaler sa science, sous couvert de romanesque. Kafka sur le rivage apparaît alors légèrement pédant, manquant cruellement d’une quelconque sincérité, mais toujours très poli (on est au Japon, ne l’oublions pas). On se dit alors qu’on a probablement à faire à un grand roman ésotérique, philosophique, mystique, spirituel, bref nippon , mais sans jamais réussir à en tirer une quelconque substance un petit peu bouleversante (je manque certainement de finesse, notez).

Pourtant, ça se lit avec plaisir, ça se dévore même, soyons honnête, et le prochain Murakami qui me tombera dans les mains sera probablement englouti à la même vitesse. Certains passages sont plus réussis que d’autres, ceux qui parviennent à garder leur mystère, ceux dénués d’explications. En apparence assez épuré, Kafka… aurait mérité un peu moins de fioritures, et plus de vide. Voilà, c’est dit.

* répétez cette phrase 10 fois sans s’arrêter

Chronique livre : Insecte

de Claire Castillon

Style enlevé, langue acerbe, vitesse de la pensée et de l’écriture, Insecte, de Claire Castillon, se propose, en quelques nouvelles courtes de brosser un panorama des relations mères-filles. C’est trash et provocateur, vénéneux, sadique, sans pratiquement jamais une petite goutte de tendresse. Forcément, on finit par s’identifier ça et là, par se projeter dans quelques souvenirs de tensions familiales. En ça, c’est réussi et accrocheur.

Si on se laisse vite prendre par ces histoires malignes, ces retournements de situation brutaux, on a pourtant rapidement l’impression que Claire Castillon remplit soigneusement son cahier des charges. Elle a bien dû se taper toutes les émissions de Delarue traitant peu ou prou des rapports mères-filles, des enfants à problème, ou pire de Confessions intimes sur la chaîne qui est conçue pour abrutir.

La liste finit par paraître systématique et sans honnêteté, un catalogue où tout passe : inceste, retombée en enfance de la môman, crise d’adolescence, matricide, syndrome de Münchausen par procuration, enfant handicapé, gavage de médicaments forcé, abandon de bébé … Ca devient peu à peu malsain et truqueur, vaguement nauséabond, sans jamais être vraiment dérangeant (ben ouais, ça m’est arrivé de regarder Delarue, j’en connais un rayon). A lire sur un Dijon-Paris, avec des gosses qui hurlent dans le wagon.