Chronique livre : Tuer le père

d’Amélie Nothomb.

Le dernier Nothomb, c’est un cadeau habituel d’anniversaire malgré deux ans sans. Contrairement à ce que son titre pourrait laisser supposer, Tuer le père est essentiellement une petit récréation sans vraiment de conséquence ni de prise de tête psychanalytique excessive.

Joe est un adolescent doué pour la magie. Il est foutu dehors par sa mère, et se trouve une famille de substitution en Christina et Norman. Elle est danseuse de feu, lui le plus grand de tous les magiciens. Il est simple, sage et placide, et accepte d’apprendre à Joe tous ses trucs. Véritable père de substitution, Norman essaie de guider le jeune homme dans le droit chemin. Mais Joe est avant tout un joueur…

Délaissant pour un temps son sens de la formule, Nothomb réussit un roman relativement égal : Tuer le père se tient d’un bout à l’autre, sans particulièrement de passage à vide, mais sans vraiment de passage à plein non plus. L’histoire se lit avec plaisir, facilement, et le twist final surprend agréablement. Il y a là derrière une réflexion (très légère) sur ce qu’est un père (celui que vous choisissez ou qui vous choisit ?) mais cette réflexion reste très superficielle et sert surtout le surprenant dénouement.

Bon certes rien de bien transcendant, un Nothomb lisible, relativement tenu, vite lu, vite oublié.

Chronique livre : Le fait du prince

d’Amélie Nothomb.


Choisis ta bouteille.

Voilà donc le cru 2008 du vignoble belge Château Nothomb. Qu’on aime ou qu’on aime pas, on peut tout de même admirer la constance impressionnante de la demoiselle : un livre par an depuis 1992, il faut avouer qu’il y a une certaine insolence dans cette profusion et cette régularité, et aussi pas mal de désinvolture, et souvent quelque peu de paresse. On peut noter depuis pas mal d’années l’incroyable diminution du nombre de mots par pages qui font tendre Le fait du prince plus vers la nouvelle que le roman.

Mais bast, Le fait du prince fait plutôt partie des crus acceptables de Nothomb, mêlant bonhomie, absurde et imagination dans une histoire gentiment loufoque. Un homme sonne à la porte du héros pour passer un coup de fil, et a la mauvaise idée de mourir sur le canapé de ce dernier. Sans grande hésitation, le survivant endosse l’identité du macchabée, délaissant une existence peu passionnante qu’il oublie déjà.

Nothomb lorgne sans vergogne vers un univers Murakamien complètement décalé, en gardant sa patte bien reconnaissable. Son héros se fond dans sa nouvelle vie, s’y vautre plutôt, avec délice, et c’est assez réjouissant. Malheureusement, au lieu de laisser planer les mystères, l’auteur préfère les débusquer, faisant de son héros un petit détective à la manque. C’est dommage qu’elle ne réussisse pas à développer son sens de l’absurde un peu plus, la fin du livre n’est vraiment pas à la hauteur, et fait clairement retomber le soufflé.

Reste un moment distrayant, inconséquent et oubliable. Ça parlait de quoi au fait son avant-dernier ?

Chronique Livre : Ni d’Eve ni d’Adam

d’Amélie Nothomb.

Situé temporellement en amont de Stupeur et tremblements, Ni d’Eve ni d’Adam retrace l’histoire sentimentale d’Amélie Nothomb lors de son retour au Japon après 15 ans d’absence. Le bouquin porte à nouveau ce regard fasciné sur une culture si différente de la notre.

Évidemment passer de Dostoïevski à Nothomb, ce n’est pas forcément glorieux. Cependant , en fouillant dans les coïncidences heureuses, on découvre que le personnage masculin de Ni d’Eve ni d’Adam, n’est pas si loin de la figure christique du Prince Mychkine, un prince aussi nippon que l’autre était russe, mais tout autant que lui dénué du moindre sentiment obscure. C’est d’ailleurs cette absence de « souillure » qui ravit Amélie, et en même temps qui l’oblige à fuir, en quête d’un « bouleversement », d’un extrême, de quelque chose qui tâche.

Ni d’Eve ni d’Adam est profondément agaçant, car profondément inégal, navigant entre l’exaltation totale, et le foutage de gueule affiché. Nothomb garde son sens de la formule, en droite ligne de Stupeurs et tremblements, mais relâche beaucoup trop souvent son écriture. Trop de facilités à écrire conduit à d’énormes facilités stylistiques balourdes, jusqu’au point culminant, page 166, je cite « C’était trop bien« . Et soudain, alors qu’on s’arrache les cheveux, surgit un passage bouleversant. Nothomb est bien plus intéressante quand elle est exaltée, que dans sa « vision loufoque du quotidien », qui me paraît aujourd’hui un peu datée et 1000 fois copiée. Sa balade seule en montagne est vraiment jolie, symbole de sa jeunesse indestructible, frondeuse et inconsciente. On sent là une sincérité totale, une urgence à vivre, à ressentir, à souffrir qui touche vraiment.