Chronique film : Real

de Kiyoshi Kurosawa.

real-800Tous les plus grands maîtres peuvent vaciller. Après le magnifique et parfait Shokuzai, difficile de ne pas décevoir. Koichi et Atsumi sont jeunes, beaux, amoureux. Malheureusement, après une tentative de suicide ratée, Atsumi plonge dans le coma. Les nouvelles techniques médicales aidant, Koichi essaie de reprendre “contact” avec sa belle en plongeant dans sa conscience endormie. Continuer la lecture de Chronique film : Real

Chronique film : Shokuzai

de Kiyoshi Kurosawa.

shokuzaiQuel bonheur de retrouver le cinéma de Kiyoshi Kurosawa après 5 ans d’absence. Le cinéaste nous avait habitué à une production un peu plus, voire beaucoup plus soutenue. Il revient avec cette adaptation d’un best-seller nippon, diffusée au Japon sous forme d’une mini-série de 5 épisodes, et en France en deux longs-métrages. Shokuzai – Celles qui voulaient se souvenir plante le décor. Cinq petites filles dans une ville de la province japonaise. Continuer la lecture de Chronique film : Shokuzai

Chronique film : Tokyo Sonata

de Kiyoshi Kurosawa.

Un directeur administratif d’une grande entreprise nipponne perd son emploi. Il décide de le cacher à sa famille. Ça ne vous rappelle rien ? Un fait divers, et deux films français (L’Adversaire de Garcia et L’Emploi du temps de Cantet) partaient à peu près du même constat. Mais Kurosawa n’est pas Garcia ni Cantet, le Japon n’est ni la Suisse ni la France et l’approche du sujet se révèle complètement différente.

La famille ici apparaît d’emblée bancale, l’homme a tout du vilain crapaud mollasson, tandis que sa femme, un peu défraîchie mais incroyablement belle, possède une grâce et un mystère sans nom. Leurs deux enfants sont en rupture totale avec leurs parents, du moins avec leur mode de vie : rupture brutale pour l’aîné qui s’engage dans l’armée américaine puis irakienne (celui-là a besoin de règles, de préférence en opposition avec les idées de son père), le cadet effectue une révolution plus douce en prenant en cachette les cours de piano que son père, avec son chômage inavoué, lui refuse inexplicablement. La mère est obéissante, cède aux exigences de ses enfants et de son mari, mais on sent déjà en elle une espèce de liberté qu’elle ne s’accorde pas en leur présence (magnifique scène d’ouverture où elle laisse la porte ouverte, sans doute pour mieux sentir le vent et la pluie sur sa peau), c’est une femme en devenir.

Pas grand chose à reprocher à ce film, c’est une splendeur au niveau de la mise en scène. Si KK délaisse ses fantômes pour un temps (quoi que ?), il garde son style lent, épuré, magnifique. Cadres superbement composés, lumières au petit poil (il y a même quelques changements de lumière naturelle, ce qui me met toujours dans un état pas possible), acteurs bien dirigés, bref à part le harakiri probable du perchman à la fin du tournage, tout contribue à faire de ce film une merveille du point de vue de la forme. On peut juste regretter une fin à la limite du grand guignol (tiens tiens, après Loft, ça se confirme, Kurosawa a dû mal à tenir ses films jusqu’au bout), mais bast.

Si j’écrivais aux cahiers du cinéma, je pourrais dire que Tokyo Sonata est un film de lignes. Lignes qui séparent, divisent le cadre et les gens d’abord. Elles sont innombrables, dans la maison Kurosawa utilise tous les recoins de son décor pour composer des cadres fractionnés : rampes d’escaliers, étagères, portes, fenêtres. Tous ces éléments brisent le champ et cette famille finalement fragile. A l’extérieur ensuite, lignes électriques brouillonnes, qui guident les pas du père pour rentrer chez lui, où le conduire dans ce lieu où tous les chômeurs avoués ou non et les SDF se rassemblent en attendant la soupe populaire. Cette ligne de train également, et ce train qu’on voit et qu’on sent passer souvent, sans jamais savoir où il va. Pendant la crise, la mère trouvera son chemin dans la ligne blanche et nocturne des vagues sur l’horizon, et le père renaîtra sur une bordure de trottoir. La crise passée, toutes ces lignes se réorganiseront sur la partition du fils musicien, et serviront de nouvelle route à cette famille tout juste reformée, et tout sera rentré dans l’ordre.

Le film dresse aussi un portrait d’un Japon pré-crise déjà bien gravement atteint, et d’une structure familiale patriarcale en déliquescence. Mais j’ai déjà assez causé, alors je vous invite juste à courir voir Tokyo Sonata, et plus généralement à découvrir Kiyoshi Kurosawa. Hop la.

Chronique film : Retribution

( 2007 ) de Kiyoshi Kurosawa

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Bien que film de commande, Retribution n’en est pas moins bien meilleur que Loft. Beaucoup plus cohérent (j’ai bien dit cohérent hein, pas réaliste), beaucoup plus resserré sur son thème, il mèle très efficacement intrigue policière et histoire de revenants vengeurs. Visuellement, c’est de toute beauté, on est happé dès la première scène (une femme à la robe rouge se fait noyer dans une flaque au milieu d’un désert bétonné et crépusculaire), pour ne plus être lâché. Décors sombres, ultra-urbains, en pleine décadence, dans une ville en éternelle (dé)construction. Un flic enquête sur une série de meurtres mystérieux, dont le modus operandi est identique : la noyade dans de l’eau salée. Hanté par le fantôme d’une femme à la robe rouge, qu’il prend d’abord pour la première victime, il tente de dénouer les fils complexes de cette histoire, dont il est le principal suspect.

Autant dans Loft, le fond du film se diluait jusqu’à disparaître sous des flots de « fais-moi peur », autant Retribution est tendu comme un arc autour de son sujet : l’indifférence, la désaffection, l’incapacité à réagir face aux choses. Dans cette fourmilière citadine, les personnages perdent leur essence primordiale d’humanité, pour devenir des robots, incapables d’agir spontanément, mais uniquement de réagir, une fois qu’il est trop tard, et quand la société le dicte. Ainsi, la série de meurtres entraîne l’enquête policière, qui n’aurait jamais eu lieu, si la société n’avait pas fermé les yeux sur un secret pourtant mal gardé. Pour toute rétribution, cette série de meurtres atroces, déclencheur de l’ouverture de la boîte de Pandore. Le message est clair, on est puni quand on a pêché. Lent, silencieux, tortueux, glacial et implacable,Retribution n’en est pas moins un vrai film d’horreur qui frigorifie l’échine de belle manière. Chapeau bas.

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Chronique film : Loft

(2007) de Kiyoshi Kurosawa

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Pour une provinciale pure souche(s), il y a quelque chose d’assez savoureux à se trouver en la capitale, et à aller voir un film diffusé dans une seule salle française, une seule fois par jour. Durant la projection de Loft, nous étions 4, dont une carte de presse qui n’a pas arrêté de gribouiller ses savantes idées sur des bouts de canards gratuits, un fan du cinéma nippon, que j’ai, au premier abord confondu avec un Pokémon, et un gars, qui visiblement s’attendait plus à voir l’adaptation cinématographique de Loft Story qu’un film de fantômes japonais.

Dans Loft, une jeune écrivain, pleine d’avenir, mais sans inspiration, part se ressourcer dans une bicoque croulante et grinçante au fin fond de la campagne. Je dis campagne, m’enfin, elle habite juste à côté d’un incinérateur. Pas beau, mais finalement pas inutile. Dans cet îlot de verdure, bouillasse et dioxine, il lui arrive pléthore de trucs méga flippants, qu’elle prend relativement bien, comme quoi, le zen, ça marche pas si mal.

La 1ère partie du film est de toute beauté. Tout d’abord grâce à son actrice, Miki Nakatani, vraiment jolie tout plein, sans être potiche. Elle remplit le début du film de sa présence, et transforme la langue japonaise en une rivière de miel. Ce début de film est donc très mystérieux, composé de micro-événements, et d’une mise en scène fantastique. Rythme lent, interrogations multiples, jeux de voiles, de miroirs, de fenêtres et de bruits, c’est une très belle partition. On ne comprend pas grand chose, mais c’est encore meilleur, l’inexpliqué est toujours ce qu’il y a d’angoissant. Réflexions sur la féminité, sur la vieillesse, sur le manque d’inspiration, sur l’amour, et le besoin de l’autre, les pistes sont nombreuses pour tenter de dénouer la bobine.

Malheureusement, vers son milieu, le film subit un revirement assez étonnant, pour sombrer dans le bavard et l’explicatif. Exit donc le mystère, on a droit à la totale, flash-back maladroit (et surtout maladroitement positionné dans le déroulement du film), embrassade sur fond de violons, second degré à fond (enfin j’espère…), le film perd toute sa poésie et une grande partie de l’intérêt qu’il avait réussi à susciter jusque là. Les longs dialogues sont vraiment mauvais et assez mal joués, ils sonnent creux. Ce changement brutal est très étonnant, et si je n’avais lu récemment que K. Kurosawa considérait Loft comme son film le plus personnel, j’aurai été tentée de parler d’un mauvais « producteur’s cut » (en franglais dans le texte). Reste l’image de fin, assez rigolote, mais loin d’être à la hauteur de la première partie.

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