Chronique film : Angèle et Tony

d’Alix Delaporte.

Sur le papier, le sujet a de quoi faire frémir. Dans le Calvados, une ex-taularde mutique répond à une petite annonce et tente de mettre la main sur Tony, un marin-pêcheur bedonnant et tout aussi mutique qu’elle, afin de récupérer la garde de son fils. Alors évidemment, ça fait peur, on imagine le film estampillé “production française”. Surtout qu’un bon nombre de scènes sont engluées dans une musique à trois balles, vraiment pas au niveau. Mais.

Mais voilà, il y a quelque chose qui fonctionne bien dans ce film, qui fonctionne même très bien. La distribution et les personnages d’abord. Clotilde Hesme, dans un contre-emploi total, réussit à composer ce personnage opaque, physique, dont la détermination, presque animale, finit par toucher infiniment. Derrière son absence de mots, elle s’impose. S’impose sur l’écran, s’impose dans la vie de Tony, sans qu’il ait vraiment son mot à dire, s’impose dans la communauté. Cette incorporation aux forceps, qui a en fait une motivation (retrouver son fils), est vraiment émouvante. Le personnage de Tony, magnifiquement interprété par Grégory Gadebois, n’est pas en reste. C’est un marin qui veut se caser (il a écrit une petit annonce dans le journal), mais cette fille qui débarque, trop belle, trop jeune, le perturbe. Pourquoi lui, pas jeune, pas beau, certainement pas riche. Le personnage était très casse-gueule. Gadebois réussit à lui donner du corps, de l’intelligence et une belle épaisseur.

Ce qui touche dans ce film, c’est l’incroyable économie de mots dont fait preuve Alix Delaporte. Au travers d’une quantité incroyablement faible de dialogues, et une attention infinie à ses personnages, elle réussit à composer une partition fine, subtile, mais déterminée. Pas besoin de mots dans ce film, l’image suffit pour comprendre toutes les motivations des personnages, sans psychologie à deux balles. Il y a quelque chose d’assez physique, de tenace, de viscéral, d’audacieux dans ce cinéma du peu qui me plaît assez. Alors on passe outre les erreurs de jeunesse d’Alix Delaporte, dont c’est le premier film, l’utilisation abondante d’une musique médiocre, les scènes de sexe bien caricaturales, pour admirer de quelle jolie manière elle s’en est tirée de ce scénario si casse-gueule.

4 réflexions au sujet de « Chronique film : Angèle et Tony »

  1. ça me plait bien ce que tu en dis, j’avais du en lire aussi une critique ou entendu, ce qui me fais penser un peu à du Dardenne.
    Mais j’ai comme dans l’idée que ce film n’est pas près de passer dans mon bout du monde, j’ai intérêt à mater les sorties de près.

  2. Angèle et Tony

    Didier : c’est beaucoup plus optimiste que les Dardennes. J’ai trouvé ça très joli de vouloir voir le bon côté des gens. De nous raconter quelque chose sur des gens dans la merde, mais généreux.

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