Chronique film : True Grit

d’Ethan Coen et Joel Coen.

J’ai un peu tardé pour écrire cette chronique et j’avoue être un chouia dans le brouillard, signe que, malgré le plaisir évident pris pendant la séance, une semaine plus tard il n’en reste finalement pas grand chose. Les frères Coen s’attaquent donc à un genre usé jusqu’à la corde, le western. Nouvelle pièce de puzzle dans une filmographie hétéroclite, True Grit apparaît comme un pur divertissement.

Le point de départ est décalé, mais on en attendait pas moins des réalisateurs. En 1870, Mattie, une adolescente de quatorze ans veut venger son père assassiné par un vilain-méchant. Elle fugue de chez elle, réussit à trouver de l’argent et loue les services d’un Marshal fort peu scrupuleux mais fort beaucoup alcoolique, pour débusquer et tuer l’assassin. Le reste du film est constitué par la recherche de l’homme au travers du dangereux territoire indien.

Le film ne manque pas de qualités. Il est servi par une interprétation globalement formidable, même si le petit numéro de gros cracra de Jeff Bridges commence sérieusement à faire long feu. On retient un inénarrable Matt Damon, Texas Ranger hautain et ridicule. L’acteur est décidément en grande forme après sa sobre interprétation dans Au-delà. Et puis il y a cette jeune fille étonnante, à l’aplomb incroyable, Hailee Steinfeld, qui débite des dialogues insensés avec un naturel tête à claque sans faille. Le film est joliment mis en scène, n’hésitant pas, outre les habituelles bouffonneries des frères, à oser des scènes oniriques, poétiques, vraiment belles et surprenantes (très belle forêt hivernale, ou encore une superbe course finale à cheval puis à pied du Marshal pour sauver Mattie).

Mais à part ça, pas grand chose. On est dans le pur divertissement, et ce que l’on trouve, si on essaie de creuser un peu, me plaît tellement peu que je préfère ne pas y toucher (on frôle l’apologie de l’auto-défense quand même, même si autres temps, autres moeurs ?). Les Coen sont restés dans le minimum syndical, en revisitant le genre de manière très superficielle, restant finalement trop fidèles aux fondamentaux. Je m’attendais à plus d’audace dans cette prise en main westernienne, et certains de leurs contemporains ont mieux réussi dans le genre, Ed Harris et son bel Appaloosa, ou Andrew Dominik et son Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, nettement plus convaincants.

Dans son ensemble, True Grit constitue un bon moment de cinéma, on y rit, on y tremble (un tout petit peu). Parfait si on n’est pas trop exigeant côté fond, vraiment léger si on recherche un tout petit peu plus de matière.

Chronique film : No country for old men

de Joel et Ethan Coen.

Je suis absolument furax d’avoir perdu trois heures de mon we pour aller voir ce film (je compte le trajet hein). Emmerdée je me suis, et ce n’est pas peu dire. Je n’ai pas été prise une seule seconde, pas intéressée, pas amusée, pas interpellée, l’oeil las, et la bouche qui baille. Pourquoi ? Les acteurs sont irréprochables, Bardem impressionnant, la mise en scène virtuose, y’a plein de scènes cracras à souhait. Les Coen savent jouer des changements de rythme pour faire monter le suspense, étirer des scènes, les silences, puis tout accélérer, de préférence dans un bain de sang. De ce côté-là, pas de souci. Le problème, c’est qu’ils l’ont déjà fait, que les bains de sang ne sont intéressants que s’il y a quelque chose derrière, un humour, une distance. Mais là, ce n’est pas le cas, ou peut-être un peu trop. Les Coen se veulent dorénavant penseurs, et leur histoire n’a qu’un but que de parler de la rémanence et de l’indestructibilité du Mal, avec un soupçon de pointe de « c’était mieux avant », dont ils essaient de se défendre dans une scène parachutée. C’est poisseux, plein d’une nostalgie voilée à deux balles, et même la mise en scène ultra-calculée n’arrive à m’enlever de la tête que les Coen sont en train de devenir des pépés, et ça, ça fait mal. A movie for old men. Allez, on oublie.

Chronique film : Paris je t’aime

18 Courts-Métrages de plein de gens bien.

Autant vous le dire tout de suite, je ne suis pas de bonne humeur. Plusieurs raisons à ça.

Outre des raisons personno-personnelles, je fais une overdose de foot, j’en ai ras le bol de voir des milliardaires courir après un ballon, alors que les trois-quarts des millions de spectateurs qui se shootent au ballon rond ont du mal à boucler leurs fins de mois. J’en ai ras le bol, de voir des silhouettes aux yeux exorbités, avec des drapeaux français peints sur la gueule. Et pourtant, je n’ai rien contre le sport, rien contre les ballons (Allez le staaaade !), mais là vraiment, j’en ai marre.

Mais la raison essentielle, vitale, universelle pour laquelle je suis de mauvais poil, c’est que je me suis ennuyée au cinéma. Pas gentiment ennuyée, non vraiment ennuyée. C’est avec plein de bonnes intentions, et d’étoiles dans les yeux que je suis allée voir Paris Je t’Aime, film au concept original, puisque composé de 18 (ouh lala quand j’y repense, 18, putain, c’est long) courts-métrages de metteurs en scène d’origines géographiques et intellectuelles totalement différentes, bourré de stars et de pas stars, bref alléchant. Ca commence doucement, avec un petit Podalydès, poli, mignon, anodin quoi. Puis un jeune garçon tombe amoureux d’une fille voilée, voila, bon bon, c’est bien (pensant). Ensuite, avec le Gus Van Sant, on se dit qu’on tombe assez bas, donc qu’après, ça ne peut qu’être mieux (Gaspard Ulliel, essaies pas de te la jouer grunge, tu ressembles autant à Kurt Cobain, que moi à PJ Harvey). Heureusement, ce bas très bas est suivi par un haut très haut, un petit bijou de 5 min des Frères Coen, délirant, acide, décalé, qui égratigne bien profond, sans en avoir l’air, cette France toute entière tournée vers son passé culturel, sa pseudo culture de l’accueil, et sa réputation de pays de l’amûûûr (au fait Steve Buscemi que la force soit avec toi). On se dit que là, ça risque d’être dur de faire mieux, mais on a tort. Walter Salles et Daniela Thomas nous pondent un petit chef-d’œuvre de concision, une banlieusarde venant tout droit d’Amérique du Sud, se lève très tôt pour déposer son enfant dans une crèche déshumanisée, se tape des heures de transport en commun, pour aller faire la baby-sitter dans le 16ème, magnifique, vibrant, cruel. Malheureusement la suite est beaucoup moins convaincante. Je ne vais pas tous vous les passer, j’en ai déjà oublié la moitié. Je mets quand même une petite dédicace au court de Sylvain Chomet, petit ovni émouvant et finalement grinçant, sur la solitude des gens pas comme tout le monde. Allez pour être fair-play, je sortirais du marasme le court d’Isabel Coixet, pour Castellitto, et celui de Tom Tykwer, pour Natalie Portman.

Paris je t’aime ? Pas moi… une certaine envie d’aller élever des chèvres dans le Larzac ce soir.