Chronique film : Deux jours, une nuit

de Jean-Pierre et Luc Dardenne.

deuxjoursunenuitUne femme sort de dépression et perd son travail : à l’issue d’un vote ses collègues lui ont préféré leur prime annuelle. A la peine de la maladie dont elle se sort tout juste et dans laquelle elle replonge aussitôt s’ajoute la peine de la perte de son travail. Épaulée par son mari en or et une collègue fidèle, elle tente de convaincre ses collègues de renoncer à leur prime. Continuer la lecture de Chronique film : Deux jours, une nuit

Chronique film : Le gamin au vélo

de Jean-Pierre et Luc Dardenne.

Cyril est un gamin placé dans un foyer, mais il a une idée fixe, récupérer son vélo dans l’appartement de son père. Mais son père est parti sans laisser d’adresse. Les éducateurs ont beau lui dire, il a beau s’enfuir pour vérifier par lui-même, mais rien n’y fait, Cyril veut retrouver son père et son vélo. Lors d’une fugue, il croise la route, dans un cabinet médical de Samantha, coiffeuse. Cette femme, dont on ne sait rien, et dont on apprendra pas grand chose, ramène son vélo à Cyril. Elle l’a racheté à un homme qui l’avait lui-même acheté au père de l’enfant. Alors qu’il ne sait rien d’elle, à part qu’elle lui a ramené son vélo, Cyril demande à Samantha de devenir pour lui, le week-end, famille d’accueil. Et Samantha accepte.

Voilà une grande nouveauté dans le cinéma des frères Dardenne : un personnage capable de générosité, un personnage lumineux qui essaie de manière (a priori) désintéressée de faire du bien à quelqu’un. Samantha, cette femme “mystère” qui accueille ce gamin difficile, est un personnage fondamentalement positif. Certes elle a probablement ses raisons de s’attacher à cet enfant, mais on n’en saura rien, et c’est la grande force du film. Ce choix transforme ce personnage fondamentalement humain en symbole universel de la main tendue. Certes Samantha est probablement en mal d’enfant, mais ce n’est pas l’important. L’important, c’est qu’à un moment donné, elle accepte cet enfant, tel qu’il est (c’est à dire particulièrement difficile), qu’il soit dans un bon jour ou plus probablement dans un mauvais. En ouvrant ses bras, elle ouvre également un autre chemin à Cyril. Mais il n’est pas immédiatement prêt à l’emprunter.

Cyril est un enfant capable de tout pour se faire aimer, accepter. Il recherche avec un entêtement presque effrayant son père qui pourtant le rejette, et son vélo. Quand il se sent apprécié, Cyril donne tout : qu’un loubard le flatte et l’invite boire un Fanta et le voilà qui accepte de braquer un libraire juste par amitié. Et quand le vol tourne mal, que son pseudo ami le rejette, et qu’il a l’idée de donner l’argent dérobé à son père pour le « sortir de la merde », surgit le plus beau plan du film. Le père refuse l’argent, et rejette une nouvelle fois son fils. Cyril s’enfuit donc sur son vélo, et la caméra, à sa hauteur le suit pendant de longs instants. C’est dans cette fuite interminable que tout se joue, que Cyril, trahit par son ami, par son père, change. Et c’est magnifique. Ce plan sur cet enfant qui roule le plus vite possible sur son vélo est juste fantastique et émouvant. C’est une charnière, un moment suspendu entre le rejet et l’acceptation, entre deux mondes opposés.

Ce qui est très beau, c’est que, malgré des personnages pourtant assez stéréotypés (il y a les gentils et les méchants), le film réussit à ne jamais sombrer dans le cliché. Il est baigné par une lumière tout à fait inhabituelle dans le cinéma des Dardenne, solaire, chaude, on y pleure souvent, on tremble mais on y sourit aussi. On assiste à une fable, un conte des temps modernes, et lorsque le générique se termine, on a envie de croire que l’histoire se terminera probablement bien, que la générosité et l’amour existent malgré tout, que rien n’est écrit à l’avance, et que c’est cette certitude qui peut aider à vivre.

Comme d’habitude chez les Dardenne, les comédiens sont tout à fait remarquables, y compris Cécile de France, beaucoup plus convaincante que dans Au-delà de Clint Eastwood. Jérémie Rénier dans son rôle du père démissionnaire réussit une belle composition, et bien sûr Cyril, joué par Thomas Doret, impeccable. Le gamin au vélo marque sans doute un tournant bienvenu dans le cinéma de Jean-Pierre et Luc Dardenne, après Le silence de Lorna qui m’avait semblé un ton en dessous de leurs précédentes oeuvres. Un petit miracle de cinéma.

Chronique film : Le silence de Lorna

de Jean-Pierre et Luc Dardenne.

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Beaucoup mieux en grand format, en cliquant sur les baskets du petiot.

BOUHHHHHHHHH OUHHHHHHHHHH OUHHHHHH. Ah mon dieu mon dieu mon dieu, je n’aurais jamais pensé devoir dire ça un jour : le nouveau film des frères Dardenne est pas mal. Juste pas mal. Je sais ça fait mal. Pour ma rentrée ciné, je pensais taper au top. Déception donc pour ce film encensée par une presse pour une fois quasi unanime.

Lorna, une jeune et jolie albanaise, est mariée à Claudy, un camé belge. Mariage arrangé par le milieu pour que la jeune femme obtienne sa nationalité belge. Drogue, argent, arnaque, mort, une nationalité belge, ça se paie très cher. Récompensé à Cannes pour son scénario, Le silence de Lorna pêche par sa mise en scène, très en dessous des précédents films des maîtres. Moins nerveuse, moins inventive, plus distanciée, ça reste bien, mais un peu plat.

La première partie réussie cependant à se tenir à peu près, en grande partie grâce à Jérémie Rénier, et à une superbe ellipse qui prend aux tripes. La seconde partie, entièrement centrée autour de Lorna est franchement poussive. L’actrice a beaucoup de mal avec le français et ça se sent, son jeu très neutre finit par paraître très fade. Le meurtre de Claudy bouleverse Lorna sans qu’elle puisse l’extérioriser. Elle s’invente une grossesse pour matérialiser cette disparition trop douloureuse. Le masque de petit soldat de Lorna tombe pour laisser place à une femme enfin humaine et bouleversée. Mais cette émotion ne passe pas, et l’errance finale de l’héroïne, perdue dans la forêt, parlant à son utérus sur trois notes de Beethoven m’a fait pousser des « oh ben non quand même » peu sonores mais très sincères.

Bref, un tout petit Dardenne, certes rien de honteux, mais pas bien puissant non plus.