Chronique livre : Palafox

d’Eric Chevillard.


Clique sur Palafox pour mieux voir.

Lire Palafox, c’est un peu laisser au vestiaire toutes ses certitudes concernant le règne animal et l’univers en général. Amis de la terre ferme passez votre chemin.

Palafox sort de sa coquille, un jour, sur une table, pendant le dîner d’une famille bourgeoise et pour tout dire assez caricaturale et ridicule. Un oisillon pensons-nous, probablement un poussin. Ce serait le plus logique. Oui mais voilà, Palafox défie toutes les descriptions. Impossible en effet de poser les mots justes sur cette créature polymorphe, dotée tour à tour de poils, d’écailles ou de plumes, nageant, volant, dévorant, baisant, du haut de ses 3 mètres (à moins que ce soit 3 cm ?), et de ses 20 grammes (ou 2 tonnes serait plus juste). La famille Buffoon (déformation évidente de Buffon, dont les théories ont influencé Darwin, père de l’évolution), se voit fort dépourvue face à cette bestiole, mais garde tout son flegme… même quand Palafox s’échappe, dévastant la campagne, ou décapitant le chien de la voisine. Mais que faire de Palafox, dont le cas passionne toute une tripotée de zoologues qui voient tout à l’aune de leurs spécialités respectives ? Le faire griller ? L’éduquer ? Rétif, il échappe à tout.

Palafox étonne évidemment par son parti pris étiré tout au long du roman : créature indescriptible, on ne peut constater que ses effets. Beaucoup de bruit autour de quelque chose qui n’existe finalement pas vraiment puisqu’on ne peut pas la décrire. Palafox est donc une espèce de grand brouhaha autour du vent, une descente vertigineuse dans l’échec du langage impuissant, insuffisant à décrire ce qui dépasse l’entendement de l’Homme. Mais les hommes s’agitent, s’obstinent à essayer de cerner ce qu’ils ne peuvent comprendre. Ridicules, égocentriques, pédants, la critique est féroce, même si le livre est tordant. Chevillard affirme haut et fort la suprématie de la nature, de la poésie et de l’absurde qui sont illimités, face à la science dont les limites sont fixées par l’étroitesse de la compréhension humaine. N’empêche, Chevillard a dû passer des heures à étudier la zoologie pour pondre son roman.

Le style de l’écrivain est, comme à son habitude, ébouriffant. Il y a une maîtrise incroyable du langage, une habilité formidable à manier les mots, à nous balader en une phrase d’une pensée à l’autre. A la fois puissamment lyrique et joliment pointilliste, le style Chevillard est pourtant inimitable, et se reconnaît au premier coup d’oeil. Peut-être un chouïa trop long, Palafox se dévore néanmoins avec appétit. Et on ne pourra plus jamais regarder une mouche de la même manière (mais est-ce vraiment une mouche, ne serait-ce pas plutôt Palafox ?)

A noter, un peu de Chevillard tous les jours sur son blog, l’Autofictif ici.

10 réflexions au sujet de « Chronique livre : Palafox »

  1. Palafox.

    Didier : ah non, Nanou, c’est moi… ah ben oui, c’est ça alors.

    Laetirature : vas voir son blog, tu auras un aperçu quotidien de son talent

  2. Palafox.

    Ossiane : merci, grande lectrice, j’essaie, j’essaie Merci beaucoup pour les critiques, ça me touche.

    Philippe : bingo !

    Didier : ben Nanou, c’est mon surnom pour quelques personnes…

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