d’Eric Chevillard.
Pas simple à caractériser ce Dino Egger que nous pond avec une certaine vélocité Eric chevillard. Il avait mis trois ans à Choir dans une noirceur sans fond, il revient un an plus tard, le ton et la plume beaucoup plus légers pour cette petite fantaisie qu’est Dino Egger. Mais qui donc est ce Dino Egger me direz-vous ? Et bien c’est ce qu’Albert Moindre tente de nous expliquer. Et ce n’est pas simple, car Dino Egger est un grand homme, sans doute le plus grand homme de tous les temps. Mais voilà, le souci du biographe c’est que Dino Egger n’existe pas et n’a pour l’instant jamais existé. Comment dans ce cas-là dresser le portrait de cet illustre ? Albert Moindre s’y emploie cependant, en prouvant tout d’abord qu’Egger n’a jamais existé, puis en imaginant ce qu’aurait pu être Dino Egger, à quelle époque il aurait pu vivre, et ce qu’il aurait fait pour devenir un si grand homme. Mais Egger se refuse à toutes description et supposition étant donné qu’il n’est même jamais né. “Dino Egger apparaît en creux. Il a l’évidence d’un cratère.”
La plume allégée et taquine de Chevillard séduit plutôt au début, même si assez vite, connaissant les procédés du monsieur, on craint de tomber dans le systématisme : décrire quelqu’un qui n’a jamais existé n’est finalement pas si éloigné de la description d’un animal indescriptible (Palafox) ou d’une civilisation mouvante (Choir). Fort heureusement Chevillard a le très bon goût de condenser son récit en 150 pages, ce qui lui évite de justesse la redite. Le centre du roman, composé par quelques pages du journal intime d’un inconnu “qui aurait pu être Dino Egger mais non”, constitue un intermède drôlatique assez irrésistible (une espèce de caricature de quête “Héroïc Fantasy” où il est question de déssoucher un arbre et d’aller acheter du pain). Et puis bizarrement le roman prend un aspect assez émouvant, personnel et parfois presque maladroit (ou caricatural ?) dans sa métaphore psychanalytique un peu appuyée de la quête de soi. Ce Dino Egger qui n’existe pas, ce surhomme indispensable à l’humanité, c’est évidemment la personne qu’Albert Moindre, petit biographe terne, en rupture avec sa famille et un peu dérangé, aurait voulu être. Après avoir tué métaphoriquement les parents et la famille, Albert Moindre décide de tuer Albert Moindre pour devenir Dino Egger, puisque finalement celui-ci ne montre pas le bout de son nez. Mais pas si facile de tuer ce qu’on est pour devenir ce qu’on voudrait être.
On assiste donc à une interprétation de la psychanalyse pour les nuls par Chevillard, et on est partagé entre le sentiment que tout ça est tout de même un peu simple, et que tout ça est tout de même assez émouvant car finalement très personnel. Choir serait le grand roman dépressif, et Dino Egger le roman de la réconciliation avec soi-même et du retour vers ses racines. C’est tellement énorme et facile comme analyse, qu’on se dit qu’on se fourvoie, et que Chevillard est bien au-delà de ça. N’empêche. Malgré le vernis de caricature et de recul amusé, on sent qu’il y a de la réflexion, de la remise en cause et de la souffrance. Chevillard nous sert sa version du livre culte du dépressif Le Chevalier à l’armure rouillée. Et ça fonctionne globalement plutôt bien. Un livre imparfait certes, mais pour lequel je ne peux m’empêcher d’avoir une certaine tendresse.
Je lis presque tous les jours le blog de chevillard où il y a trois pensées chaque jour et je trouve cela très souvent savoureux.
Je ne me suis pas encore lancée dans un linéaire plus long (paresse ??)mais …
Autofictif
Contini1 : ah il faut se lancer, c’est vraiment bien Chevillard, en court, en long, et en travers !