Chronique film : Greenberg

de Noah Baumbach.

Tu te sens aussi complètement à côté de la plaque ?
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Décidément, j’aime beaucoup le cinéma de Noah Baumbach, qui s’éloigne ici nettement des postures déjà démodées de son collègue Wes Anderson. Greenberg est un film très simple, très beau, qui raconte la crise de la quarantaine d’un artiste raté, décidé à faire un break après un séjour en HP et sa rencontre avec une jeune femme pas très glamour et pas très brillante, bonne à tout faire chez le frère fortuné de notre anti-héros.

Noah Baumbach est un scénariste et metteur en scène attentif vis à vis de ses personnages et de ses acteurs. Le film est extrêmement profond psychologiquement, sans jamais être démonstratif. On est dans la petite touche, sans pourtant se prendre au sérieux. Greenberg raconte avant tout l’itinéraire de gens pas vraiment exceptionnels à première vue, des loosers (y compris le chien, atteint d’une maladie auto-immune…). Il se rapproche en ça du magnifique film de Kervern et Delépine, Mammuth, et porte avec lui également une belle charge émotionnelle, même si moins terrassante que celle de Mammuth. Le film est un bel hommage aux gens pas dans les clous, pas forcément performants, aux gens qui flanchent, qui doutent, qui sont maladroits

(quelles jolies scènes que ces scènes d’amour malaisées et tâtonnantes). Parce qu’ils sont finalement beaux et attendrissants ces personnages : Ben Stiller, encore une fois épatant, en quadra blessé fourvoyé dans le passé comme on en connaît tous, et surtout l’incroyable Greta Gerwig, formidable en fille lambda, pleine d’énergie et de bonne volonté, un peu gauche, pas toujours rayonnante, mais touchante à mort (Hurt people hurt people – les gens blessés blessent les gens – comme leitmotiv).

Le film a l’immense qualité de finir alors qu’on aimerait qu’il continue encore, d’avoir une bande son aux petits oignons (y compris du Gainsbourg, Melody, parfaitement casé dans une scène étrange sous stupéfiants). Un très beau moment, qui chatouille le coeur et les tripes.

Chronique film : Divers

La raison du plus faible
De Lucas Belvaux

Curieux film que La raison du plus faible, présenté en sélection officielle au Festival de Cannes. Je ne connaissais pas le cinéma de Lucas Belvaux. Cinéma social, belge, on pense forcément aux Dardennes. La raison du plus faible ne ressemble pourtant pas au cinéma des frères. Là où les Dardennes composent un cinéma viscéral, physique, Lucas Belvaux lorgne beaucoup plus du côté des grands films noirs. Ancré dans un contexte social fort, résolument du côté des « petits », chômeurs, ouvriers, licenciés des aciéries, on se dit que Ken Loach n’est pas loin. Pourtant, le film prend une tournure toute différente lorsque les protagonistes décident de se lancer dans un braquage, pour se sortir de leur quotidien sans espoir. Le film gagne alors de l’ampleur, tout en restant proche de ses personnages, cadrés serrés. Plans d’une poésie noire sublime, cauchemars urbains et industriels en déliquescence… Belvaux connaît ses classiques, et en distille quelques touches subtiles. Quelques flashs me sont revenus pendant ce film, de Little Odessa, à The Yards, en passant par les noirceurs scorcesiennes.
Les acteurs sont absolument formidables, pour le coup, on atteint un réalisme proche de Loach. Je mettrais un seul bémol, pour Lucas Belvaux himself, habité mais parfois un peu théâtral et extérieur (en même temps, comme le souligne Les Cahiers du cinéma, c’est fait exprès, certes, mais ça m’a un peu géné). Avec tout ça, on obtient un film assez curieux, un tout petit peu trop long, un tout petit peu bancal, entre belgicisme bon enfant, drôle et touchant (un personnage demande un bisou avant le braquage), et tragédie grecque. Le dénouement est bouleversant. Autant vous le dire de suite, La raison du plus faible finit mal. Et c’était inéluctable.

Changement d’adresse
D’Emmanuel Mouret

Après le Belvaux, j’avais comme une petite envie de légèreté. Direction le CNP Terreaux, où, par le plus malheureux des hasards la climatisation était en panne. J’avoue avoir hésité un instant avant d’entrer dans la salle en sous-sol de ce cinéma, sans clim. Fort heureusement, la durée très réduite de ce film m’a décidé à tenter l’expérience. Bien m’en a pris. J’étais un peu réticente avant d’aller voir ce film. L’humour d’Emmanuel Mouret étant complètement décalé, ça passe ou ça casse. Et ici, il faut bien dire que ça passe plutôt bien. Epaulé par trois comédiens qu’on n’aurait jamais imaginés ensemble (Frédérique Bel, le « blonde » de Canal, Fanny Valette -révélation de la Petite Jérusalem-, et Dany Brillant -qui a retrouvé sa tête après sa rupture avec Suzette-), Mouret compose une jolie petite partition (de cor), loin d’être crétine, légère et absurde. Ce n’est pas le film du siècle, mais ma foi, ça fait plutôt du bien, et on sort détendu, le sourire accroché aux oreilles. Pas si mal non ?

Les Berkman se séparent
Noah Baumbach

Pour finir ce we cinéma je dois vous avouer que j’avais envie de voir un film d’horreur. Je n’ai rien trouvé, alors je me suis dirigée vers ce qui y ressemble le plus : le drame familial. Bon je n’ai pas choisi n’importe lequel non plus, hein, mais le premier film (visible en France) du co-scénariste de Wes Anderson (vous savez le gars de l’absurdissime et jouissif « Vie aquatique »), The Squid and The Whale (Le calamar et la baleine – Titre en VO des Berkman se séparent…no comment). Déjà c’est un film court, 1h21, ça peut paraître crétin, mais un réalisateur qui est assez modeste, honnête et lucide pour sortir un film d’1h21, je trouve ça de bon augure. AHHHH combien de films d’1h50 mériteraient 30 minutes de coupe ! Bref. Les Berkman se séparent est l’histoire (assez autobiographique visiblement) de la rupture d’un couple, avec deux garçons en pleine crise d’adolescence. Le regard porté sur tout ça est plutôt celui des garçons, ils ne sont cependant pas épargnés par l’œil incisif de Baumbach. Dès la première scène, un match de tennis familial, le décor est planté, et les caractères définis à la perfection. Et c’est très fort, une scène et on a tout compris ! Alors là, moi je dis chapeau Maestro. Tout le film est à l’image de cette première scène, rapide, juste précis, drôle, émouvant, grinçant. Un père intellectuel, aigri, coincé, amer, engoncé dans son système de pensées, en pleine déconfiture, une mère hédoniste, crue, directe, infidèle, en pleine réussite, un fils à papa incapable d’une pensée propre, un fils à maman fou de masturbation… Je veux vraiment souligner l’extraordinaire présence des acteurs, Jeff Daniels (parfait) et Laura Linney (sublime) en tête. Bref, un vrai bon film, avec un vrai bon style (bravo au chef-op et décorateurs qui ont su recréer une ambiance 80s parfaite), de vrais bons acteurs, une vraie bonne musique (Floyd, Reed, et j’en passe) et une vraie bonne histoire. Bref, du vrai bon cinéma. Yeeeeees !