Chronique film : Mammuth

de Gustave Kervern et Benoît Delépine.

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Prouve que t’es un homme : clique.

Bienheureuse surprise que ce Mammuth dont je n’attendais absolument rien : pas du tout convaincue par le précédent film du duo grolandais malgré la présence de Yolande Moreau (Louise-Michel), pas fanatique du Depardieu vieillissant (médiocre Bellamy chabrolien), donc pas bavante d’impatience face à Mammuth. Mais Kervern et Delépine affine leur univers dans ce film, mêlant avec beaucoup de talent social et poésie, cinéma populaire et pointu, documentaire et art brut.

Depardieu joue Serge Pilardosse, ouvrier dans un abattoir à cochons et candidat à la retraite. Le personnage est physiquement une réussite : lourd, pesant, proche de l’homme des cavernes, il porte bien son surnom (Mammuth, le nom de son antique moto). On est un peu en terrain connu au début du film, présentant Serge dans son milieu professionnel, puis chez lui, dans la veine sociale de Louise-Michel et de Groland. Il manque à Serge des justificatifs pour pouvoir prendre sa retraite, il part donc à la recherche de ses papelards. On se dit qu’on va assister à la quête d’un homme sim

ple pour pouvoir assurer sa survie. Mais le film va bien au-delà de cet aspect social, transformant la quête de Mammuth en un véritable retour dans son passé, sa moto faisant office de machine à voyager dans le temps.

Et le film se met à naviguer entre naturalisme, poésie et surréalisme. La mise en scène de Kervern et Delépine se fait beaucoup plus audacieuse, attentive à ses personnages. L’amour perdu de Mammuth s’incruste de temps en temps à ses côtés. Et ce personnage, traité de con par la plupart, et adoré par certains (son amour perdu, sa nièce -incroyable Miss Ming-), devient d’un coup extrêmement émouvant, riche d’un passé insoupçonné derrière son apparence de brute, riche de sentiments qu’il est incapable d’exprimer parce que figé émotionnellement dans un passé lointain mais pas digéré (la mort de son amour perdu dans un accident de la route).

Le film dégage une espèce de romantisme noir désespéré assez terrassant, peuplé de personnages à la solitude immense (en voix-off on comprend que c’est en achetant un couteau pour mettre fin à ses jours qu’il rencontre sa femme). Il y a une sorte d’évidence sous la caméra de Kervern et Delépine à faire cohabiter les genres, les gens, les cultures qui parvient à rendre les frontières transparentes, et c’est très bien. On regrettera sans doute un dernier quart de film un peu relâché au niveau du rythme (du coup sans doute un chouïa trop contemplatif), mais l’ensemble est beau et émouvant, donnant une place magnifique aux gens qui sont hors des marges.

Un beau moment, vraiment.

3 réflexions au sujet de « Chronique film : Mammuth »

  1. Oui j’irais voir, ne serait ce que pour la Munch, et puis j’aime bien le cinéma de ces gars la.

    Posté par Didier, 11 mai 2010 à 08:40
    MAMMUTH

    Didier : oui, vas y, plus j’y pense plus ce film me touche.

    Posté par Anne, 12 mai 2010 à 21:23
    bon ben moi j’ai pas été fan hein !

    Posté par contini1, 19 mai 2010 à 23:03
    LES GOÛTS…

    Contini1 : je comprends, mais ça m’a bouleversé. Vu au bon endroit, au bon moment sans doute

    Posté par Anne, 22 mai 2010 à 15:35
    Bon comme d’hab’, à chaque fois que je vois un film, je retrouve ton commentaire à son sujet.
    Pour moi aussi Mammuth se bonifie avec les jours. Je l’avais aimé en sortant, et puis au fil des jours, j’ai repensé à des choses, et je me suis dit que c’était encore mieux que ça en fait.

    Posté par djiwom, 25 mai 2010 à 16:08
    MAMMUTH

    Djiwom : il est étonnant ce film, il continue de faire son petit bonhomme de chemin en moi et de me terrasser. Contente de voir que je ne suis pas la seule

    Posté par Anne, 25 mai 2010 à 19:09

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