d’Alain Resnais.
Herbes folles sous les feuilles mortes. Clique.
Un coup de tête au milieu d’un énième carambolage Ballardien (vous comprendrez plus tard), et me vo
ici direction Les herbes folles de sieur Resnais. Je n’avais pas été vraiment emballée emballée par Coeurs (glacial et poussiéreux dans mon souvenir), mais tout de même, ayant le choix entre Jeunet et Resnais, je n’ai pas hésité longtemps. Bien m’en a pris, puisque les herbes folles, à l’image de son titre, est une petite pépite pétillante (répétez 20 fois les trois derniers mots très vite), complètement zinzin, qui n’arrive jamais là où on l’attend. A la fois drôle et léger, ou parfois étrangement inquiétant et angoissant, Les herbes folles ne se laissent pas facilement apprivoisées.
Je vous résume vite fait : Marguerite Muir se fait voler son sac en sortant d’une boutique chic de chaussures. Georges Palet retrouve le porte-monnaie de M. Muir dans le parking souterrain d’une galerie commerciale. Nos deux héros ont chacun une vie bien rangée : Georges a une belle maison, une belle femme (décidément délicieuse Anne Consigny), de beaux enfants (ultra-bright Duvauchelle et Forestier), et une belle pelouse bien tondue. Marguerite est une dentiste à la salle d’attente bondée, au joli appartement et à la collègue et amie chic-chic. Mais nos personnages sont des scotchs double-face : le porte-monnaie volé va servir de super glu entre-eux, et petit à petit on découvre l’envers de leur jolie petite vie. Palet a de très inquiétantes pensées (judicieuse voix-off), qui transforme le pépère de famille en tueur en série potentiel (on débrouille mal ce qui relève du fantasme ou de la réalité, mais Dussolier sait se faire très inquiétant quand il veut). Muir, elle, adore piloter de vieux coucous datant de la dernière guerre.
Resnais adapte sa façon de filmer à ses deux acteurs fétiches et leur caractère. Dussolier est filmé comme un personnage inquiétant d’une série américaine : caméra très mobile, regards en coin, lumières bleutées, et finalement l’apparition de Mark Snow à la musique du film (compositeur de X-files) devient nettement moins étrange. Azéma aime les vieilles carlingues ? Resnais la film comme une héroïne US de films des années 40 (Hawks n’est pas loin par moments). Il tente également des effets de profondeur de champ pas possibles (au sens premier du terme) : net en premier plan, flou au second, net en arrière plan. Bref le vieux sage fait preuve d’une agilité, d’une maîtrise incroyable, mêlées à des effets à deux balles mignons comme tout. On est dans la liberté totale de filmage, la fantaisie absolue qui ne s’embarrasse ni de convention de mise en scène, ni de conventions scénaristiques. Parce que dans cette histoire, beaucoup de choses restent sans réponse, et on s’en fout totalement. Le dernier plan n’est d’ailleurs pas à piquer des cochenilles : une petite fille dans son lit, qu’on a jamais vu auparavant (la fillette), demande à sa maman si, quand elle sera un chat, elle pourra manger des croquettes. Forcément, c’est bizarre. Le travail sur la voix-off est également très intrigant : qui est ce narrateur, qui semble avoir tout vu, tout compris (ne me répondez pas Edouard Baer, s’il vous plaît, hein) ? pourquoi des phrases sont répétées si souvent, des questions, trois-quatre fois ? On a l’impression parfois d’être dans Beckett, avec ces mots qui se répètent, comme pour chercher un sens, et finalement, échouer à trouver un sens.
Il suffit juste de se laisser aller aux jolies surprises que réserve ce film tout frais, sans doute pas le film du siècle, mais qui finalement rend la création farfelue d’un « Prix exceptionnel » à Cannes tout à fait logique.