de Jean-Paul Dubois.
Sans la critique enthousiaste du Masque et la Plume, mon attention n’aurait sans doute ni été attirée par Le cas Sneijder ni par Jean-Paul Dubois. Et ça aurait été bien dommage, ce roman étant une comédie noire assez irrésistible, qui ne révolutionnera sans doute pas la littérature, mais qui divertit de manière fort adroite et désespérée.
Notre héros, Paul Sneijder, est globalement un raté pas magnifique du tout, plutôt palot, et surtout terriblement couille molle. Il vit à Montréal avec sa deuxième femme, Anna, une despotique et terrifiante carriériste, spécialisée dans la commande vocale et obsédée par la réussite et l’atteinte du haut potentiel auquel elle aspire. De son premier mariage, Paul a eu une fille, Marie, qu’il aime plus que tout et qu’Anna s’est toujours refusée à considérer comme un membre de la famille, de son second mariage avec Anna Paul a engendré de vrais jumeaux, clones de leur mère, et encore plus terrifiants car éternellement en duo. La routine de Paul vole en éclat le jour où, avec sa fille, ils sont victimes d’un terrible accident d’ascenseur. Marie n’en réchappe pas, et Paul après plusieurs semaines de coma, survit. Que se passe-t’il alors pour le moumou Paul, privé du seul être qui l’aimait vraiment et qu’il aimait vraiment, englué dans les griffes acérées de son épouse ? Et bien Paul s’adapte, comme il l’a toujours fait, mais au lieu de remplir les exigences de son épouse, il remplit les exigences de son traumatisme. Cette remise en question et en perspective du monde qui l’entoure est très mal vécu par ses proches…
Jean-Paul Dubois a une imagination assez débordante, et le comique de situation dont il fait preuve tombe toujours juste. On rit beaucoup des aventures de Paul, tout autant qu’on frissonne : cette famille pourtant tout à fait « banale » et surtout moderne, est absolument effrayante (le final ne me contredira pas), et le pauvre Paul, personnage pas spécialement glorieux, mais totalement humain, qui essaie juste de se reconstruire à sa manière, ne peut rien contre la tyrannie de la performance et de la normalité que représentent sa femme et ses fils. Il se débat dans une toile d’araignée bien collante, sans pouvoir en réchapper.
Il faut reconnaître à Jean-Paul Dubois un grand talent dans la description de ses personnages, qu’ils soient principaux ou secondaires, tous les rôles sont très soignés et typés, sans caricature excessive. L’œil est acéré et la plume aussi, ça déborde de fantaisie (vous ne verrez plus jamais les poulets rôtis et les ascenseurs de la même manière), c’est très intelligent, bien construit, rythmé. Je ne peux pas dire que je sois terrassée par la beauté de l’écriture de l’auteur, mais elle sied parfaitement à son sujet. Un vrai bon divertissement donc, mais qui va bien au-delà de la simple bouffonnerie.
Mélancolique et désabusé, Le cas Sneijder parle aussi avec effroi des évolutions de la société actuelle, et de la culpabilité des ascenseurs. Mais si vous voulez comprendre pourquoi, il va falloir le lire.
Ed. Editions de l’Olivier