Chronique livre : Visage d’un dieu inca

de Gérard Manset.

Manset a signé trois des plus beaux titres du dernier album d’Alain Bashung, Bleu Pétrole. Quatre en fait si on compte la reprise de Il voyage en solitaire. Ces deux hommes quasiment du même âge, aux parcours différents, mais ayant fréquenté les mêmes sphères auraient eu mille occasions de se rencontrer. Et pourtant, le rapprochement s’est fait tardivement. Il a abouti à cette collaboration magique, et à la transfiguration des textes de Manset par Bashung.

Manset, tout en pudeur évoque ou invoque plus qu’il ne raconte dans Visage d’un dieu inca, la figure Bashunguienne au travers de quelques-unes de leurs rencontres. Même si l’ensemble des anecdotes et personnages croisés dans le livre ne font pas forcément écho à des choses connues de moi, cette balade au travers de l’univers de Manset, hanté par les apparitions furtives d’un Bashung marmoréen et impénétrable est très belle.

Grâce à une écriture parfois volontairement obscure, oscillant entre classicisme et poésie, Manset réussit à capter une vibration particulière de vie, et de création. Son monde est peuplé de personnages connus, tournant dans cet univers, l’enrichissant de moments de vie, de rencontres, et d’histoires. Certes, c’est un peu décousu, et on a parfois du mal à suivre le fil. Mais qu’importe, le moment est beau, émouvant, respectueux, et pour reprendre la citation de Maupassant qui introduit l’ouvrage On dirait qu’on subit une possession étrange, intime, confuse, troublante et exquise parce qu’elle est mystérieuse.

Un hommage d’autant plus beau qu’il n’a rien d’académique, mais qu’il vient du coeur. Un moment de grâce.