Chronique film : Max et les Maximonstres

de Spike Jonze.

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Même pas peur, clique.

Ahhhh Max et les Maximonstres, c’est presque toute mon enfance. Ce sacripant de Max qui après avoir été envoyé au lit sans manger, va faire un tour au Pays des monstres parce que c’est forcément plus amusant, et puis finalement rentre chez lui parce qu’on y est pas si mal. Sacré challenge de transformer ce très court livre composé d’une petite dizaine d’illustrations et autant de petites lignes de texte. Et Jonze réussit plutôt son pari, même si le film souffre de problèmes de rythmes certains. Mais au-delà de cette petite faiblesse, c’est un ineffable bonheur.

Jonze a non seulement réussi à imprimer sa patte dans cet archi classique sans pour autant le trahir. Les premières scènes sont un bonheur. Max, gamin turbulent et joli comme un coeur, construit un igloo, emmerde sa soeur, veut trucider le chien à coup de fourchette : hyper actif et attachant, en manque d’amour et d’attention flagrant, un père absent, une mère aimante mais qui bosse. En se construisant un igloo, il se reconstruit un vrai cocon, une matrice, qui une fois détruite l’amène à faire n’importe quoi. C’est à la fois son abri qu’on profane, et cet abri, c’est aussi un peu sa mère, son refuge, contre laquelle il ne consent aucune attaque, aucune diversion : quand on détruit son igloo, il saccage la chambre de sa soeur, quand un mec drague sa mère, il s’érige dans son costume en peluche en essayant de faire son petit roi, se braque et finit par s’enfuir au pays des monstres.

La mise en scène est nerveuse, au plus près de ce gamin dont on imagine aisément qu’il est un mini-Jonze en puissance. L’enfant s’enfuit donc de sa mère auprès de laquelle il s’imagine qu’il a perdu son statut de petit prince pour le pays des monstres : un pays dans lequel il est le centre de l’attention, le roi, au milieu de bestioles pelucheuses qui ne demandent qu’à suivre aveuglément ce petit gnome en costume de loup moustachu. Après les premières craintes vaincues (ce sont quand même des monstres qui, jusqu’à présent, ont bouffé tous leurs précédents rois dont on voit subrepticement les os), Max se sent bien au milieu de ses nouveaux amis : ils sont bagarreurs, plein d’énergie, mais aussi aiment dormir empilés les uns sur les autres. Max trouve un monde qui correspond à ses besoins d’enfant, et au départ, s’y complait avec béatitude. Mais progressivement le nouveau monde se craquèle complètement. Une jolie monstresse part voir ailleurs de nouveaux amis et Max est abandonné de nouveau comme par sa soeur adolescente qui lui préfère ses copains et sa mère qui ramène un gars à la maison. Carol, le meilleur pote de Max pète les plombs et devient ingérable (la mère de Max avait d’ailleurs employé le même vocable pour désigner son fils). Bref, le joli monde monstrueux de Max se craquèle : les situations qui le traumatisent chez lui se répètent dans son nouvel environnement. Les motifs sont donc récurrents. Où qu’il aille, les gens auxquels il est attaché iront voir ailleurs, pète les plombs, sont dépressifs, ou totalement absents (le monstre « taureau », figure complètement mutique lointaine, sorte d’ombre paternelle). Les monstres, ce sont donc à la fois les projections de ses proches, mais également de ses propres peurs et comportements. C’est très intelligent de ne pas avoir fait de projection directe entre les personnages et les monstres (tel monstre serait la mère, tel autre la soeur…), mais plutôt de faire des peurs et des comportements des caractères universels, dont on ne peut pas se protéger et qu’il faut apprendre à contrôler pour pouvoir vivre en société.

Alors oui, ok, ça fait un peu « Freud pour les nuls chapitre 1 », mais c’est très efficace et émouvant de voir ce petit garçon essayer de recréer encore et encore la matrice et finalement réussir à s’en détacher en sortant de l’oesophage de sa copine monstre qui l’avait caché là pour qu’il puisse échapper à la fureur de Carol (donc un peu à ses propres fureurs enfantines). Une bien belle adaptation donc, dans laquelle le réalisateur se dévoile, mine de rien, derrière des personnages de poils et de plumes. Joli.