Chronique film : My Little Princess

d’Eva Ionesco.

my-little-princessVioletta a dix ans, et vit chez sa grand-mère roumaine. La mère, figure excentrique apparaît dans leur petite vie bien tranquille. Photographe, elle choisit comme modèle sa petite fille qu’elle fait poser pour des photos de plus en plus suggestives, et érotiques. Violetta, d’abord ravie finit par se rebeller contre cette mère sans scrupule.

Difficile de dire du mal de ce film, l’histoire est vraie et c’est celle de la réalisatrice. Beaucoup de sincérité s’en dégage, de fragilité. On assiste au parcours de Violetta, à cette enfance volée, avec de la tristesse et de la révolte. La photographie, très soignée (c’est la moindre des choses ceci-dit) réussit à nous plonger dans cet univers border-line, avec notamment des clairs-obscurs vraiment beaux et troublants.

Mais malheureusement, ce trouble, qui devrait durer tout le long n’est que très ponctuel. Le film, qui raconte pourtant une histoire extrêmement dure et perturbante, peine à sortir de sa bulle. Tout reste globalement assez sage et lêché. Et c’est Eva Ionesco elle-même qui nous donne la clé pour comprendre cet état de fait « écrire sur une matière intime, très proche, ne donne pas beaucoup de liberté« , dit-elle, et de continuer « dans les histoires intimes il y a toujours des sentiments impérieux qui prennent le pas sur l’imagination« *. Et c’est exactement ce à quoi on assiste ici. Eva Ionesco nous raconte plus son histoire qu’elle ne réalise un film de cinéma.

Il y avait pourtant beaucoup de matière pour faire un grand film : une réflexion sur l’ambiguité de l’objet photographique (comme “voleur” de moments intimes ponctuels, gravés dans le marbre pour l’éternité), sur ce rapport vampirique entre cette mère et sa fille, sur les paradoxes de Violetta consentante puis révoltée, sur l’enfance marginale comme facteur initiale d’une vie hors-norme, l’importance du regard des autres … Toutes ces thématiques sont évoquées dans ce film, mais il reste cependant en surface des choses. Heureusement quelques scènes réussissent à briser la coquille du souvenir et parviennent à toucher du doigt ce que le film aurait pu être. Durant une séance de pose, Hannah la monstrueuse maman demande à sa fille d’écarter un peu plus les cuisses pour découvrir son sexe. C’est le moment où, ce qui n’était pour Violetta qu’un jeu lui permettant de se rapprocher de sa mère, bascule dans la violence faite à l’enfant. Ce virage est parfaitement rendu dans cette scène, avec simplicité, par un seul regard de Violetta. On peut également saluer un magnifique pétage de plomb de l’enfant, lors d’une sollicitation quelconque de sa mère.

Violetta, enfant-femme, victime partiellement consentante des fantasmes de sa mère reste le personnage le plus intéressant du film. Hannah, interprétée par une Isabelle Huppert beaucoup beaucoup trop âgée pour le rôle (ça se voit bien autour des oreilles…), manque singulièrement d’ambiguïté, elle est filmée de manière monolithique, comme un monstre. Pas de tendresse dans la manière de filmer cette femme, juste un réquisitoire (certes convaincant) à charge. Mais un film n’est pas un procès, et on peine à adhérer totalement à cet exutoire filmé, malgré quelques scènes intéressantes, et une sincérité qui ne peut être remise en question.

*rèf. Allociné

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