d’Alain Cavalier.
Première grosse surprise pour Pater, la salle était pleine. Certes pas une grande salle, et le dimanche était pluvieux, mais tout de même, la satisfaction de voir que Cavalier peut remplir les salles. Deuxième grosse surprise, Pater est le film le plus drôle que j’ai vu depuis un moment.
Le film ne ressemble à rien de connu. Alain Cavalier choisit de filmer les rapports entre le président de la République (qu’il interprète lui-même avec talent) et un chef d’entreprise (Vincent Lindon, parfait également) dont il fait son premier ministre. Mais au lieu de filmer son histoire de manière classique, il préfère mêler au récit des scènes “réelles” de la préparation du film. On navigue ainsi entre le domicile d’Alain Cavalier et celui de Vincent Lindon dont l’impressionnant dressing permettra à Alain Cavalier de trouver la cravate idéale pour interpéter le Président, entre une dégustation de conserves de truffes et une visite électorale chez un boulanger. Un étrange jeu se met alors en place dans lequel réalité et fiction se mêlent jusqu’à parfois être difficilement identifiables pour le spectateur et pour les acteurs eux-mêmes. Vincent Lindon avoue d’ailleurs se prendre parfois au jeu, et se demander ce qu’il va bien pouvoir proposer pour régler les problèmes des banlieues!
On rit beaucoup pendant le film, une multitude de petits détails, de trouvailles visuelles ou verbales donnent à Pater une extraordinaire drôlerie. On voit ainsi le premier ministre tremper sa main dans un bac à glaçons après avoir serré des milliers de paluches pour sa campagne, ou sa voiture victime d’une attaque dans un garage et criblée de pioches enfoncées dans son capot, comme une sculpture d’art moderne, ou encore découvrir une photo compromettante d’un de ses adversaires en politique. C’est par l’économie de moyens, par son côté artisanal, sans bidouille que ce cinéma du peu réussit ce tour de force de donner le sourire au spectateur tout le long de la projection.
D’ailleurs, quel meilleur moyen pour parler des jeux de pouvoir et de leur ambiguïté, que de réaliser une comédie dans laquelle les acteurs jouent des politiciens, et où les politiciens deviennent les acteurs de leur propre jeu ? Le procédé est lumineux, intelligent, taquin, et Cavalier et Lindon prennent un plaisir communicatif à en devenir les instruments. La politique apparaît comme un simple protocole, vidé de sens, et si le clash entre le président et le premier ministre prend pour prétexte un différend politique, le processus de rupture apparaît comme codifié, presque écrit d’avance.
Parallèlement à ce démantèlement des jeux de pouvoir, Pater possède un côté très personnel et touchant, dans la façon dont Cavalier aborde l’intime, par ces repas gourmands, ces micros détails du quotidien, ces confessions ou coups de gueule qui déboulent comme ça au milieu de nulle part. Il lui suffit de filmer son chat, ou se regarder dans un miroir pour faire naître l’émotion. En se regardant dans le miroir justement, il se réconcilie de manière posthume avec son père, dont il détestait l’autorité, mais auquel il avoue ressembler aujourd’hui. Et Cavalier, lui qui a été élevé par des pères de l’église, à son tour devient père (le pater du titre?), père spirituel bien sûr, à la fois en tant que lui-même de Lindon l’acteur, et en tant que président de Lindon le premier ministre. Il y a une très belle scène justement durant laquelle il filme son acteur en train de téléphoner dans le jardin depuis une fenêtre de l’appartement, et où il (Cavalier et/ou le Président ?) confie qu’il lui plaît, qu’il est solide et que “on l’aimera”.
Dans ce jeu de manipulation du spectateur on discerne une sincérité, de la tendresse et de l’émotion, et c’est très beau. La meilleure comédie de l’année, mais pas que. Classe.
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