Chronique livre : Passer la nuit

de Marina de Van.

Marina de Van ne va pas bien. Mais au lieu de provoquer l’anéantissement total de la notion même de vie, comme Lars Von Trier dans Melancholia, elle choisit de prendre la plume et d’examiner les mécanismes de sa dépression. Ou plutôt non, elle ne choisit pas d’examiner les mécanismes de sa dépression, elle choisit de s’examiner en train de déprimer. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Le lecteur est placé dans une position délicate. La dépression est un sujet sérieux, et je peux vous jurer que je la prends au sérieux (où sont mes pilules ?). Cette maladie a, par ailleurs, donné naissance la création de chefs d’oeuvre absolus (Melancholia bien sûr, L’attrape-coeur, Madame Bovary…). Mais il faut aussi avouer que la dépression peut être le sujet le plus chiant du monde, et c’est complètement le cas dans ce Passer la nuit de Marina de Van.

C’est avec un sérieux papal que la cinéaste s’ausculte et ausculte ses journées, longues et vides. Bon, pourquoi pas. D’autres se sont frottés au vide, et ont réussi (L’innommable de Beckett par exemple). Mais là où la langue et l’humour beckettien rendaient l’entreprise passionnante, l’auteur ici échoue complètement à nous intéresser. Qu’elle n’ait rien à raconter n’est pas grave en soit, mais elle ne sait pas comment le faire, et là ça devient problématique. Ecrit à l’overdose à la première personne et au présent (casse-gueule d’écrire au présent), Passer la nuit accumule les phrases autocentrées pseudo-poétiques, volontairement neutres et curieusement assez prout-prout. On s’englue dans cette prose factuelle, apathique et anesthésiée, qui se veut hypnothisante à force de répétition, mais qui ne l’est pas.

Tout ça est d’un sérieux absolu, et a provoqué par conséquent mon hilarité à maintes reprises, ce qui je crois n’était pas le but recherché par l’auteur. On ne peut s’empêcher honteusement de douter de sa sincérité, et de considérer cette auto-fiction comme un passe-temps de petite fille gâtée, alors même que le petites filles gâtées peuvent vraiment souffrir de graves dépressions. Bon je ne m’étends pas plus longuement, vous aurez compris que je suis complètement passée à côté de Passer la nuit. Mais sadiquement, je ne résiste pas à partager avec vous quelques petits morceaux choisis :

“J’essaie d’endormir mon émotion en me répétant qu’il ne se passe rien ; et en effet, il ne se passe rien.”

“Mes journées sont si abstraites et vides que je me sens l’existence d’un fantôme.”

“Le dos tourné à la vie du café et du carrefour, je conquiers une certaine paix, fondée sur l’isolement désoeuvré de mon assise usuelle.”

“Ce matin, je peine à me réveiller. Le sommeil m’empèse.”

« A 21h53, je ne parviens toujours qu’à rester ainsi, assise en tailleur, désoeuvrée, et à sentir l’angoisse de la journée vide qui s’est écoulée sans tâches, sinon le rendez-vous chez la manucure. »

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