Chronique film : Ricky

de François Ozon.


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Après le long-très-long et bien un peu loupé Angel, Ozon nous présente un petit truc tout curieux et vraiment intéressant. Une ouvrière d’usine de produits chimiques élève seule sa fille. Elle rencontre sur son lieu de travail un intérimaire espagnol plein de charme et de poils. Et paf, c’est l’amour, et paf, un deuxième marmot, cette fois-ci un petit gars, qui chouine tout le temps, et dont le dos se couvre de contusions vraiment étranges.

Vous dire pourquoi Ricky m’a autant charmé, ça va être coton. Le film échappe quelque peu à l’analyse (à la mienne surtout). Ce qui épate c’est le culot monstrueux d’Ozon. D’abord sur le casting : qui aurait parié un kopek sur Alexandra Lamy en nana vraiment lambda, aux prises avec les difficultés de l’existence ? Et bien elle est vraiment formidable, et réussit à presque complètement faire oublier qu’elle est Alexandra Lamy. Le couple qu’elle forme avec Sergi Lopez (toujours trouble cet acteur sous son physique bonhomme et son accent charmant) est totalement crédible, un couple de « petites gens », normaux et émouvants.

Ce qui est fascinant au cours du film, c’est qu’Ozon lance à peu près 2000 pistes/indices/énigmes dans son film, qu’aucune ne sera résolue et que ça tient quand même gravement la route. D’où vient cette première scène, qui pourrait, mais en fait pas vraiment, s’encastrer au coeur du film ? Les vapeurs toxiques que Katie respire toute la journée sont-elles à l’origine des petits soucis de son marmot ? Pourquoi s’évanouit-elle après avoir fait l’amour avec Paco ? Pourquoi la gamine est-elle fascinée par les oiseaux ? Toute l’histoire n’est-elle pas une projection de sa fantaisie d’enfant effrayée par la grossesse de sa mère ? D’où vient Paco ? A-t-il une maîtresse ?

Au lieu de rendre la film complètement bancal, toutes ces interrogations créent justement un univers très cohérent dans lequel il faut accepter ne pas savoir, il faut accepter de se laisser titiller les neurones (et les émotions) pendant une heure trente et même bien au-delà. Ozon réussit donc son pari haut la main sur un principe pourtant exagérément casse-gueule. Well done.

Chronique film : Les Noces Rebelles

de Sam Mendes.


Clique pour mieux voir la Revolutionnary Street.

Ils étaient jeunes, beaux, et tombés fous d’amour sur le Titanic. Dix ans plus tard, mariés, deux enfants, April et Franck vivent dans une jolie maison entourée d’herbe bien verte dans une jolie banlieue new-yorkaise. Il bosse dans un open-space, elle tente de jouer à la bonne épouse. Mais le vernis craque, elle ne réussit pas à renoncer à leurs anciens projets, et le convainc de tout laisser tomber pour partir vivre à Paris.

Les Noces Rebelles est un beau film qui vaut bien mieux que l’horrible traduction de son très beau titre « Revolutionnary Road« . Parce que c’est bien de ça dont il s’agit, d’une révolution, ou du moins d’une tentative avortée de révolution. La volonté d’April de briser le moule petit bourgeois dans lequel ils s’enferment tout naturellement est forte, et réussit presque à entraîner son mari. Mais confronté à l’incompréhension de leurs proches, finalement mort de trouille, enfin reconnu dans son boulot qu’il déteste pourtant, la perspective de tout faire péter ne séduit plus Franck tant que ça. Les deux composantes du couple suivent des trajectoires qui ne se croisent plus, l’un suivant le sens de la pente, l’autre essayant de remonter le courant.

Cette histoire d’un couple en perdition est à voir dans un contexte beaucoup plus large que celui de la cellule familiale. C’est une critique d’une société américaine, en pleine ère de prospérité, et qui transforme ses richesses en conformisme, en uniformisation de la pensée, en recherche d’un illusoire sentiment de sécurité.

Le coup de génie de Sam Mendes, c’est bien évidemment le choix de ses deux acteurs, Kate Winslet et Leoardo DiCaprio. Couple mythique du Titanic, ce coup de foudre, cet amour absolu de jeunesse apparaît comme évident aux yeux des spectateurs. Pas besoin de s’attarder donc pour Sam Mendes sur cette partie de l’histoire, une belle utilisation de l’ellipse. Les deux acteurs sont absolument parfaits. Winslet, au delà de l’éloge, en femme incapable de se résigner, n’a jamais été aussi belle, aussi subtile. DiCaprio, dans un rôle beaucoup moins flatteur et beaucoup plus casse-gueule, s’en sort très honorablement, réussissant subtilement à faire passer son personnage de la révolution voulue à la renonciation consentie.

Malheureusement, Sam Mendes n’est pas un très grand metteur en scène. Ça reste un peu trop sage de ce côté là, très classique, empêchant le film de vraiment décoller. Servi par une BO lambda, Les Noces Rebelles reste donc un beau film, mais pas un grand film. Allez, un effort pour tout faire péter, il ne manque pas grand chose. Un bon moment.