Chronique film : Black Swan

de Darren Aronofsky.

Comme la plupart des gens dans la salle (pleine et féminine) du cinéma, j’ai cédé aux sirènes médiatiques et choisi Black Swan pour mon retour dans les salles obscures. Couverture des Inrocks, couverture de Télérama, couverture des Cahiers du cinéma, voilà qui sentait bon, et je me suis abstenue de lire les critiques de peur de passer à côté du film. Et bien ça n’a pas suffi, je suis quand même complètement passée à côté. Pour faire un jeu de mot ultra-facile, on assiste à la création du Lac des cygnes à l’écran, mais dans la salle, c’est plutôt Casse-noisette(s).

Je ne sais pas vraiment par où commencer tant tout, ou presque, m’a atterrée. Darren Aronofsky veut mettre en image l’adage “Ton plus grand ennemi, c’est toi même”. Soit, pourquoi pas. Il choisit de suivre l’itinéraire d’une ballerine, Nina, obsédée par la perfection, qui doit interpréter le Reine des cygnes dans une nouvelle production révolutionnaire du Lac des Cygnes. Le chorégraphe, a bien compris les blocages de la jeune femme, fragile, immature, trop “bonne élève”, et tente de révéler le cygne noir qui sommeille en elle. Bon, déjà ça sonne un peu lourdingue, mais on essaie de passer outre. Nina, effectivement étouffée par sa mère (ahhh la psychologie à deux balles), se révèle plus fragile encore qu’on aurait pu le penser, elle sombre peu à peu dans la folie, et on assiste à ses décrochements successifs.

Le film dérive vers le fantastique, puis le film d’horreur. Le problème, c’est que tout est assez raté et lourdingue. Choisir le Lac des Cygnes était déjà très risqué : rien de plus facile que de sombrer dans la ringardise avec cette musique et ce ballet, et Aronofsky n’y échappe pas. Son film se veut pourtant ultra-contemporain, mais il sent tout de même très fort la naphtaline : tout est vieillot dans le ballet qu’il nous propose, costumes, chorégraphies. On cherche vainement le vénéneux qu’il tient absolument à nous vendre, mais sans succès. On frémit également quand Nina commence à se lâcher. Pour Aronofsky, se lâcher et devenir soi-même, c’est se masturber (scène grotesque de masturbation féminine), boire, consommer de la drogue et se faire lécher le minou par une autre danseuse. Le problème c’est que ça n’est ni  vénéneux, ni sexy, ni trouble, ni angoissant, et surtout pas émouvant. Juste terriblement vulgaire et ras le bitume. Comme le réalisateur n’est pas très sûr qu’on ait bien compris la métamorphose de la ballerine en cygne noir, voilà qu’il commence à nous transformer réellement la pauvre Natalie Portman en pioupiou en l’affublant sur l’épaule d’une espèce de peau de poulet hérissée, qui s’étend progressivement. Pas cool.

Aronofsky a pourtant des références, il y a du Hitchcock dans le portrait de cette mère possessive, magnifiquement interprétée par Barbara Hershey, du Dracula de Coppola dans la découverte de sa face obscure par une jeune femme (la présence de Winona Ryder est d’ailleurs un magnifique clin d’oeil), ou du Polanski dans ce portrait de jeune femme qui décroche du réel, mais rien ne fonctionne vraiment à force d’être autant appuyé, et tout finit par être très prévisible.  Il y avait pourtant quelque chose de beau à faire sur le passage du temps chez la femme, avec ces trois générations de femmes successives (la mère, la danseuse étoile déchue, et la nouvelle génération représentée par Nina). Mais Aronofsky ne fait qu’effleurer la piste, préférant se focaliser sur la transformation de Nina. Le désastre total est évité de justesse grâce à la performance de Natalie Portman, piètre danseuse, mais grande actrice, qui incarne la danseuse avec beaucoup (trop ?) de talent. C’est un total rôle de (trop de?) composition pour elle, on a d’ailleurs parfois du mal à la reconnaître. Un véritable rôle “à Oscar” comme Hollywood les aime tant.

Globalement un bien piètre retour dans les salles obscures donc. Mortel…lement ennuyeux. Cuicui.