Chronique livre : Le Démon

de Hubert Selby Jr.

Oh lala déjà 22h30 et je n’ai pas écrit ma critique. Bon, alors on va faire bref.

Le Démon de Hubert Selby Jr. est un grand livre.

Quoi ? qu’est-ce que vous dites ? c’est trop court ? Bon, ok. Alors on y va. Harry White (plus commun comme nom, je vois que John Doe), est un jeune cadre dynamique et plein d’avenir. Il vit chez papa-maman, et c’est vachement pratique. Les bourses pleines, et la queue à l’affût, il saute grosso-modo tout ce qui bouge et qui a une alliance, moins de danger de se faire mettre le grappin dessus. Quand son patron lui fait comprendre que pour obtenir de l’avancement, faudrait voir à fonder une petite famille, Harry n’hésite pas, et ça tombe plutôt bien, car pour la première fois de sa vie, il est amoureux, de la belle et sexy secrétaire Linda. Mais une fois marié, voilà t’y pas que tout dérape. Ses anciennes manies hormonales reviennent en force, il recommence à baiser à tout va, des nanas de plus en plus glauques, puis, en substitut, collectionne les plantes vertes, passe ensuite à la cleptomanie, pour enfin tomber dans le meurtre gratuit.

On assiste là à la lente (10 ans passent) désagrégation d’une être, hanté par un « démon ». Au fur et à mesure de sa réussite professionnelle, familiale et sociale (maisons de plus en plus grandes, une belle femme, deux enfants, un poste de vice-président dans sa boîte), la déliquescence de son cerveau devient de plus en plus difficile à juguler. Ses actes (sexe, vol…) l’apaisent quelques temps, puis deviennent inefficaces. Addiction au cul, addiction à l’adrénaline, addiction au jardinage ( !), cette folie progressive et insatiable qui s’installe est bigrement dérangeante car renvoie à sa propre dépendance aux choses, à la dépression, le besoin de s’oublier, de se sentir libre de soi-même.

Si le début peut faire penser que le démon est Harry lui-même (égoïste et insignifiant jeune cadre), on comprend, dès les premiers temps de son mariage qu’il s’agit de cette force incontrôlable qui le pousse à l’autodestruction, puis à la destruction. Le style est brillant et précis, on est en immersion dans la cervelle de Harry, collant pas à pas à ses actes, se sentant irrémédiablement attiré vers lui. Les descriptions familiales sont extraordinaires de concision et de justesse. La focalisation sur Harry n’éclipse pourtant pas sa femme Linda, qui assiste impuissante à l’étiolement de son mari, de son mariage et de sa vie. Bref un roman indispensable, qui entre les mains d’un grand cinéaste pourrait faire un film extraordinaire.

PS : merci à mon conseiller
PS2 : Est-ce que quelqu’un saurait comment faire partir cette p… d’odeur de foie de morue de mes petits doigts déjà récurés à la javel, trois fois ?