de John Kennedy Toole
La Conjuration des imbéciles est un roman déjanté dont l’apparente légèreté masque mal une noirceur crasse, un sens de l’observation suraigu, et une clairvoyance des névroses humaines assez confondante. Galerie de personnages hilarants, tous plus fadas les uns que les autres, on passe du rire aux grincements de dents en un rien de temps.
Ignatius, universitaire doté du syndrome Tanguy, ainsi que d’une paranoïa hors-norme, est contraint de trouver un taf par sa mère, bonne femme trop poudrée, et adepte de la bouteille. Cette dernière, joue au bowling avec Santa, elle-même tante de l’agent de police Mancuso , contraint par sa hiérarchie d’appréhender un suspect, etc, etc. Les personnages se croisent et se recroisent dans un foisonnement très drôle, écheveau de folies et de mauvaise foi.
Il faut avouer que le bouquin (une bonne pavasse), est parfois exaspérant, car on retrouve des tares un peu trop présentes dans le quotidien, et qui deviennent limite supportables. La déconnexion du réel d’Ignatius en est l’exemple le plus flagrant. Entièrement enfermé dans ses certitudes et son monde paranoïde, il est ingérable , et les filaments de la raison ne peuvent pénétrer son esprit. Jamais sympathique du coup le gars, d’autant plus que l’auteur prend beaucoup de plaisir à nous exposer ses écrits, d’abord drôles tant ils sont absurdes, puis de plus en plus agaçants. Vous allez me dire, c’est le but. Mais c’est un peu long, il faut l’avouer.
Par contre, on attend avec impatience les apparitions de Miss Trixie , vieille bonne femme à qui on n’autorise pas de prendre sa retraite. Ses petits sommes incongrus, ses répliques décalées et son dentier plein de mordant sont les petites perles de ce bouquin improbable et très en avance sur son temps. Rédigé dans les années 60, mais seulement publié vingt ans plus tard, après le suicide de son auteur, La Conjuration des Imbéciles a largement semé ses graines dans la littérature et le cinéma contemporain.