Chronique film : Amour

de Michael Haneke.

amourLa vieillesse est un naufrage, disait le général, et surtout le répétait à l’envie ma grand-mère après avoir perdu son homme dans des circonstances similaires à celles du film. Ça n’est pas que ça, mais ça peut l’être effectivement. Comment gérer la fin de vie de celui ou celle qu’on aime, c’est la question que semble poser Michael Haneke. Continuer la lecture de Chronique film : Amour

Chronique film : Le Ruban Blanc

de Michael Haneke.

Faudrait mater tout ça tu crois pas ? Quoi que… Clique !

Évidemment, chez Haneke, c’est pas le fête du slip. Mais par contre, c’est clairement la fête du string, tant on ressort de là tendu, les muscles douloureux, et le palpitant en vrac (je sais la blague est nulle, mais il est tard). Oui, Le Ruban Blanc n’est pas un moment confortable, c’est indubitable. Par contre, c’est un long moment passionnant, trouble et foisonnant, qui, s’il m’a moins scotché que certains autres films du maître, n’a pas volé sa Palme d’Or.

Changement de décor chez Haneke, ici, c’est film en costume et noir et blanc implacable (c’est juste beau à pleurer, on dirait du Bergman). Pas de musique outre ce qui se joue dans le film, pas d’éclairage additionnel. Rigoriste à l’extrême donc. Il fait nuit, on éclaire à la bougie ou à la lampe à pétrole et c’est Georges de La Tour qu’on ressuscite. Le parti-pris est surprenant. Esthétiquement, on serait bien à mal de mettre en défaut Haneke sur un seul de ses plans, et il se dégage de chaque image des sentiments ambivalents. Le noir et blanc apporte une distance vis à vis de son histoire, un côté quasiment irréel, fantastique, alors que l’éclairage est plutôt naturaliste. On navigue donc le cul entre deux chaises, et le déroulement de l’histoire ne va pas nous rassurer beaucoup : pas facile de s’y retrouver, beaucoup de personnages (dont une ribambelle de gamins, qui se ressemblent un peu tous), beaucoup d’événements, beaucoup de bribes de machins, de plans énigmatiques… On a donc le cerveau aux aguets pour essayer de bien capter, de ne rien louper. Impossible évidemment, Haneke mène parfaitement sa barque pour perdre juste ce qu’il faut le spectateur et l’amener exactement là où il veut.

M’attendant à un film historique après certains échos cannois, j’ai plutôt été surprise de me retrouver dans un univers plus proche du Village de Damnés (l’original) que d’un quelconque film historique. L’e monde décrit par Haneke (un petit village allemand a priori tranquille en 1913) est tout bonnement effrayant. Les adultes (en particulier les hommes, les femmes étant un peu plus épargnées) sont psychorigides ou déviants, les enfants, tendre progéniture, inquiétants à souhait derrière leurs jolies mèches blondes. Des événements étranges se produisent (enfants enlevés et battus, grange qui brûle, accidents suspects) sans autre explication qu’une lettre (qui dit que les enfants paieront pour les fautes de leurs pères, ou un truc comme ça). On est aiguillé dès le départ vers la culpabilité d’une bande de gosses menés par la charmante fille aînée du pasteur. On n’aura bien évidemment jamais la confirmation. Mais insidieusement on se demande si l’éducation ultra rigoriste de l’homme de Dieu est responsable de la cruauté (supposée) de ses enfants (a priori la morale du film : une éducation trop sévère donne naissance à des monstres), ou alors si justement, le pasteur « sentirait » la malignité de sa progéniture, et tente le tout pour le tout afin de les mater. Bref, c’est un peu l’histoire de l’oeuf ou la poule. Cependant le résultat est là, et en quelques mois, un village paisible devient un lieu inquiétant, dangereux où règnent suspicion, peur, délation.

Quelques (minuscules) moments parviennent cependant à éclairer le film et lui apporte des petites respirations fort bienvenues : un petit garçon qui demande la permission à son père de soigner un oisillon tombé du nid (quel magnifique sourire !), ou un jeune homme et une jeune fille se faisant une cour timide et mignonne comme tout. Mais ces passages ne font que révéler un peu plus durement combien la pourriture et le mal règne sur la Terre.

La plus grande réussite du Ruban blanc réside bien dans sa forme, dans la manière qu’a Haneke de nous manipuler pour semer le trouble, faire bouillonner nos petits neurones. Le fond du film, bien que très intéressant, me paraît un cran en-dessous : le mal qui engendre le mal, l’oppression qui provoque la rébellion, la rigueur morale qui suscite la fourberie, les petites histoires qui ensemencent la grande Histoire … C’est un beau sujet, mais pas neuf. Après avoir disséqué la violence moderne et ses mécanismes, Haneke semble vouloir remonter le temps pour découvrir ses origines. Il franchit encore un pas dans sa recherche formelle. Une magnifique Palme d’Or, sans aucun doute, que j’aurais tout de même, pour ma part, préféré voir attribuer à Caché en son temps.