de Michael Haneke.
La vieillesse est un naufrage, disait le général, et surtout le répétait à l’envie ma grand-mère après avoir perdu son homme dans des circonstances similaires à celles du film. Ça n’est pas que ça, mais ça peut l’être effectivement. Comment gérer la fin de vie de celui ou celle qu’on aime, c’est la question que semble poser Michael Haneke.
Dans un appartement parisien vivent Georges et Anne, un vieux couple de musiciens. Toujours fringants et vifs, ils sortent, se tiennent au courant des nouveautés. Mais Anne fait un AVC. Commence alors la lente dégradation de la pianiste, aidée de son mieux par son mari lui-même tout à fait vieillissant. A part les scènes introductives, tout le film se passe dans l’appartement du couple. Leur fille fait des apparitions fugaces et inévitablement maladroites, on croise aussi parfois les concierges venus donner un coup de main ou une infirmière et enfin d’Alexandre Tharaud (Oh Alexandre, épouse-moi !) en ancien élève d’Anne. Mais l’essentiel du film se compose du tête à tête entre Georges et la déclinante Anne.
Dans Amour, tout est (trop) impeccable. La lumière et l’image sont juste sublimes (Darius Khondji aux manettes), et surtout le décor choisi par Haneke est juste parfait, dans ses moindres détails, un journal qui traîne, une boîte d’Aspégic mal placée, une table de nuit qui se métamorphose progressivement au gré de la régression inéluctable d’Anne. Le réalisateur utilise cet appartement comme décor de manière incroyable. Il capte la géographie des lieux au travers de ses cadrages et réussit à rendre réel pour le spectateur ce décor étranger, mais quelque part familier, douillet en même temps que glacial. Les deux acteurs sont formidables, et formidablement crédibles ensemble. Ils forment un vieux couple très beau, toujours amoureux, intellectuellement vigoureux. La mise en scène est parfaitement mathématique et formelle, toujours d’une grande sobriété. C’est excessivement propre (contrairement à la vieillesse). Quelques scènes échappent au pur formalisme, et c’est là que le film est le plus beau : Georges faisant un cauchemar hanté, un pigeon s’obstinant à vouloir rentrer dans l’appartement, ou encore cette scène où pour calmer Anne, son mari lui raconte une histoire de son enfance.
Mais le problème du film est clairement énoncé par Georges lui-même vers la fin. Il dit à sa fille qu’il ne voit pas l’intérêt de montrer tout ça. Et effectivement, le spectateur est en droit de se poser la même question. Pour connaître un peu trop le sujet, je n’ai pas eu de surprise en ce qui concerne la longue dégradation d’Anne, les aspects matériels ou encore concernant les réactions des proches, bref, j’étais dans le déjà-vu et déjà-vécu, et bon, ce n’est pas vraiment palpitant comme situation, c’est triste, c’est révoltant même, mais c’est la vie, et l’ennui m’a plutôt vite gagné. A part les quelques sublimes scènes précédemment citées, et l’étrange réaction de Georges après la mort de sa femme, il n’y a rien là-dedans qui touche vraiment (la mise en scène est trop distancée pour ça) ou qui pose question. Voilà, on assiste à la fin de vie d’une femme épaulée par son mari (ce qui, vu l’âge du mari n’est d’ailleurs pas très crédible), et après ? Je sors de là, et franchement, je ne vois pas ce que je vais pouvoir faire d’un tel film.
Je préfère le Haneke dépourvu de sentiments et tranchant comme un scalpel de Caché ou de Benny’s Video. Le Haneke d’Amour, je vous avoue, ne me parle pas plus que ça.