Chronique film : The Artist

de Michel Hazanavicius.

On connaissait déjà le trio mémorable formé par Michel Hazanavicius, Jean Dujardin et Bérénice Béjo dans l’excellent OSS 117, Le Caire nid d’espions. Dans The Artist, les compères reviennent en force et en forme : The Artist est tout bonnement irrésistible.

Soit un acteur célèbre du cinéma (muet) dans les années 20, George Valentin. Il excelle dans les rôles de héros, moustachus et gominés, mélange entre Clark Gable et Guy Williams pour prendre des références postérieures. Soit une jeune fan de George Valentin, Peppy Miller, qui a envie de percer dans le cinéma. Mais Hollywood est à un tournant technologique, celui du passage du muet au parlant. George Valentin refuse tout net de parler et par conséquent de se lancer dans cette nouveauté d’avenir. Sa vie personnelle et sa vie professionnelle s’effondrent. Peppy Miller, au contraire, jeune et pleine d’ambition, se lance dans l’aventure du parlant et devient une grande vedette. Comment ces deux-là vont-ils pouvoir enfin se retrouver ? (Tadam, suspense intense).

Evidemment, on est toujours absolument charmé par l’immense cinéphilie de Michel Hazanavicius : The Artist est un hommage évident au cinéma américain (muet mais pas seulement), bourré de tellement de références que je pense n’en avoir reconnu qu’une infime partie. Mais le tour du force du film, c’est justement de ne jamais tomber dans le pastiche. The Artist est un vrai film de cinéma, qui se tient, de bout en bout, malicieux, émouvant, drôle, très intelligent et qui finalement révèle un ton tout à fait personnel.

Belle idée d’avoir confié le rôle de George Valentin à Jean Dujardin, et son physique un tantinet désuet. Il se fond dans le rôle, de manière subtile, n’en faisant jamais trop, et réussissant à emporter l’adhésion par le moindre micro-mouvement de sourcil. Face à lui, Bérénice Béjo délicieuse, avec son minois moderne, complètement décalé par rapport aux canons esthétiques des années 20, apporte une incroyable fraîcheur au film. Mais Michel Hazanavicius n’est pas à la traîne par rapport à ses acteurs. Il signe à la fois le scénario et la réalisation du film, et excelle dans les deux domaines. Le scénario tout d’abord n’est absolument pas un collage de références. Bien au contraire, l’histoire de The Artist est tenue, inventive, drôle et émouvante. C’est également une belle réflexion sur le sens de la parole, et pas seulement au cinéma. George Valentin périclite faute de parler, c’est à dire de communiquer, à la fois professionnellement et dans sa vie privée : sa femme le quitte faute de paroles (la seule manière pour George Valentin de lui montrer son affection, est d’offrir à sa femme des colliers de perles). Mais comme le rappel le final, ce qui compte finalement ce n’est pas forcément la parole en tant que telle (le film s’en passe d’ailleurs très bien), mais bien la communication d’une manière plus générale.

A la mise en scène et au montage, intimement liés au scénario pour un film muet bien sûr, le réalisateur est tout aussi juste : c’est précis, méticuleux, également inventif. Il utilise par ailleurs la musique, ou son absence, avec beaucoup de discernement. La scène de “retrouvailles” finale dans la maison dévastée par les flammes de George, est ainsi complètement silencieuse. C’est audacieux, et brillant, l’émotion pouvant naître librement de cette plage de silence, par la simple magie des images.

Au final, The Artist est un film au scénario d’une très grande habilité, à la mise en scène extrêmement intelligente et subtile, et formidablement bien interprété. What else ? (rapport à George, v’voyez ?)

Chronique film : OSS 117 : Rio ne répond plus

de Michel Hazanavicius.


Contrairement à OSS, tout est bon dans le cochon. Clique là où c’est le meilleur.

Le plus brillant agent secret français est envoyé à Rio pour récupérer un microfilm, en échange d’une mallette de pépettes. Une mission en apparence un peu trop facile pour notre héros, qui s’imagine déjà prendre des vacances-bikinis.

Reprenant les recettes qui avaient fait le succès et la réussite du premier OSS 117, Hazanavicius nous donne un spectacle tout à fait honorable. Si l’effet de surprise est passé et rend du coup le spectateur un peu plus averti du processus, et plus critique, le film réussit cependant ce pour quoi il a été réalisé : faire rire. C’est peut-être un peu plus poussif que dans le premier volet, et un peu moins fin, cependant l’humour plus noir et culotté fait vraiment mouche : OSS est de plus en plus beauf et raciste, et Dujardin sort quelques monstruosités avec un immonde flegme bien franchouillard. Il s’en sort d’ailleurs toujours pas mal, et le voir en train de dépecer un énorme crocodile sur une broche est un assez grand moment.

Mais ce qui remporte surtout l’adhésion dans ce film, c’est son final, à la fois dérangeant (la tirade du Marchand du Venise clamée par un nazi), et majestueux pour son hommage au grand Hitchcock (Vertigo et surtout l’immense scène de Saboteur). On reste du côté de la parodie, mais avec tout le respect et l’admiration qu’Hazanavicius voue au maître, et au final c’est assez classe. Bref un très bon moment, qui passe très vite, et qui divertit intelligemment.