Chronique film : Alice au pays des merveilles

de Tim Burton.

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Chapelière folle ? Clique.

Une jolie surprise que cette Alice à la mauvaise presse. Balançant une Alice pâlichonne de 20 ans dans un pays des merveilles dont elle a tout oublié, Burton réussit à imprimer sa marque sans lourdeur au mythe Carrollien. Car c’est une formidable idée d’avoir fait grandir cette Alice, permettant de ne pas essayer de se mesurer à la noirceur enfantine de Lewis Carroll, tout en utilisant son foisonnant univers.

Alice ne se remet pas de son enfance et à bien du mal à la quitter. Son père est mort et faire durer son enfance lui permet de ne pas l’enterrer tout à fait. Arrivée à un tournant de sa vie, le jour de ses fiançailles avec un Lord ridicule, la frêle Alice replonge maladroitement dans le pays des merveilles de son enfance (tout d’abord dénommé par Carrol l’Underland, à la signification beaucoup plus limpide). C’est en replongeant à nouveau dans son enfance, en retombant littéralement en enfance, en retrouvant l’Alice qu’elle était avant, que cette post-ado à la frontière entre deux âges, jamais à la bonne taille, réussit à trouver son chemin. Grande idée, très cinématographique donc que celle de Burton.

Belle réussite aussi que cette galerie de personnages secondaires : Johnny Depp et Helena Bonham Carter, bien évidemment, énormes comme d’habitude, ou encore une impayable Anne Hathaway, qui en seulement quelques minutes compose un personnage de reine blanche totalement hilarant. Chose inhabituelle chez Burton, c’est finale

ment les décors ou encore les personnages entièrement numériques qui surprennent le moins. Rien de rédhibitoire, le film est très joli, l’univers est beau, fouillé, collant parfaitement à l’imagerie Carrollienne (la robe trop grande d’Alice semble même copiée sur celle portée par la « vraie » Alice, Alice Liddell, mais on sent finalement que ce qui a le plus motivé Burton est cette retombée en enfance pour trouver sa voie.

Un moment joyeux, rigolo et coloré. Pas le meilleur des Burton certes, mais sans aucun doute pas la catastrophe annoncée par la presse.

Chronique film : Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street

de Tim Burton.

Burton réalise avec cette tragédie musicale son film le plus désespérément sombre, et ce, dès le générique, magnifique, avec ses gouttes de pluie mêlées de sang qui tombent au ralenti sur un Londres dégoulinant d’humidité poisseuse. Le barbier Benjamin Barker, revient à Londres, après 15 ans de bagne, afin de se venger d’un juge libidineux qui a poussé sa femme à la mort et a enlevé sa fille. Sous le nom de Sweeney Todd, le barbier revanchard, aidée d’une pragmatique et moralement douteuse tenancière d’auberge, tente d’attirer à lui ses bourreaux pour les faire passer de vie à trépas.

Malgré la noirceur du film, il y a un plaisir extraordinaire deBurton, et de ses acteurs, ça se sent, et c’est donc incroyablement communicatif. Burton réalise un film à la fois bourré de références et très créatif. Je dois avouer qu’il m’a semblé y voir pas moins de 4 révérences au Dracula de Coppola, ce qui m’a fait pointer une larme à l’oeil (le bateau qui accoste dans le brouillard, la caméra qui parcourt les rues en accéléré, le sang sur le portrait de l’aimée, et enfin la belle scène finale). Visuellement, le film est une pure merveille, avec sa photo désaturée, et ses décors étouffants. Malgré des excursions dans un Londres décati, défait, le film se déroule quasiment en huis-clos. Ce qui différencie Sweeney Todd de tous les Jack l’Eventreur et autres serial-killers, c’est qu’il ne traque pas ses proies, il les laisse venir à lui. Il consent à une apparition sur le marché pour « faire sa pub », mais ce sera tout. Ce n’est pas anodin. Le barbier reste enfermée dans sa boutique, qui est également son ancienne demeure. Il est incapable de se défaire de son passé, de l’oublier, de passer à autre chose. Dans cette pièce, les lames de ses rasoirs, et les miroirs brisés lui renvoient des reflets déformés du présent, comme pour prouver son irréalité. Sweeney est donc bien enfermé dans ses souvenirs, et toutes les personnes pénétrant dans cet univers n’en ressortiront pas. Les souvenirs sont un piège mortel. A côté de lui, Mrs Lovett, l’aubergiste, lui parle de remariage, s’imagine déjà en couple, une maison au bord de la mer (surréalistes scènes turquoises, au milieu de cet océan de noirceur). Les scènes entre ces deux là, sont les plus belles, et les plus tristes.

Malgré quelques longueurs, une musique parfois un peu trop « musical » (Depp et Carter s’en sortent néanmoins vraiment pas mal), Sweeney Todd est un beau film, noir, sans espoir. Une réussite.