Chronique livre : Sur la route

de Jack Kerouac.

Oeuvre majeure et fondatrice de la beat generation, Sur la route est un roman à la fois magnifique, exalté, et d’un ennui, d’une tristesse et d’une mélancolie insondables. Grandement autobiographique, Sur la route raconte les errances de son héros, Sal, fasciné par son compagnon de route, personnage fou furieux, énergique et dézingué, Dean Moriarty. De New York à Denver, de Denver à Frisco, puis L.A., retour à New York, passage à Chicago, jusqu’à un détour au Mexique, en auto-stop, à pied, en auto, le livre s’étire entre moments de poésie pure, illuminations merveilleuses, exaltations forcenées, et la monotonie de ces routes inlassablement sillonnées.

C’est d’une grande beauté, et la traduction est à saluer je pense, réussissant à retranscrire la rythmique particulière de l’écriture de Kerouac. Les personnages, border-line, hésitent entre normalité, mais ne peuvent s’y résoudre, et replongent à chaque fois dans leur marginalité, en quête perpétuelle de fric, d’alcool, de marijuana et de filles. Ces personnages là sont à la recherche d’un absolu de vie, d’une réalité plus forte que le quotidien, ils cherchent, s’extasient, se cassent la gueule dans une course effrénée après eux-mêmes. Cette quête pourrait être grandiose si elle n’avait pas son revers, Dean et Sal passent de la joie la plus intense à l’effritement le plus complet, hôpitaux, misère, crasse. On sent que cette histoire ne peut que mal finir, et la conclusion en demi-teinte (Sal trouve l’amour et Dean a le cerveau tellement grillé qu’il n’arrive plus à parler), n’éclipse pas que dans les faits, cette histoire a vraiment mal fini puisque Kerouac est mort à 47 ans d’une cirrhose, et Neal Cassady, qui a servi de modèle pour le personnage de Dean a succombé à 42 ans d’un mélange de substances pas vraiment réglementaires.

N’empêche, il y a quelque chose de grand dans cette histoire, et un peu d’envie de réussir un jour à ressentir si organiquement la vie.

« La vie est trop triste pour passer son temps à rigoler »
« Ses grands yeux sombres me contemplèrent du fond d’un néant où flottait une sorte de chagrin qui remontait aux générations et aux générations qui n’ont pas accompli ce qui demandait avec force de l’être, quoi que ce fût, et chacun sait de quoi je parle (…) Elle était âgée de dix-huit ans, et très charmante, mais foutue. »

11 réflexions au sujet de « Chronique livre : Sur la route »

  1. Avant la route.

    «Les seuls gens qui existent sont ceux qui ont la démence de vivre, de discourir, d’être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller.»

  2. upbeat et beatific

    Hargh, mauvaise touche, j’ai validé avant de finir : as-tu lu « avant la route » et autres romans de Kerouac ? J’ai un bon souvenir de son roman, le vagabond solitaire, tu m’as donné une envie dingue de fouiller dans ma biblio
    Le premier envoi est bien un texte de Kerouac, of course !

  3. J’ai lu ça ya bien longtemps, je devrais le relire.
    Hier comme une odeur de printemps sur la plage, et ce matin comme un goût de retour au boulot

  4. Première fois.

    Philippe : non, c’était mon premier Kerouac, j’ai trouvé ça à la fois très beau, et un peu long, comme ces errances infinies. J’en lirai surement d’autres, quand le temps sera venu

    Didier : mon empire pour une balade sur la plage ! (enfin presque)

  5. Tiens je relirai bien Kerouac…
    A propos de voyageurs et d’errances encore que ce soit assez notablement différent dans l’esprit, connais-tu Nicolas Bouvier et Lorenzo Pasinelli ?

  6. Je reviens Par rapport à ce que te conseille Still, je te dirai sans hésiter « L’usage du monde » de Nicolas Bouvier, un petit bonheur. Et puis Bruce Chatwin, « Le chant des pistes » et enfin Depardon « Errance ». Pour en revenir à Kerouac, j’aime la façon dont tu en parles, mettant l’accent sur cette quête d’absolu, à différents niveaux : amour, bonheur, amitié, idéal… Et cette quête irrémédiable d’une identité entre voyages, fuites, reconstructions et expériences de vie. Un livre qui peut t’intéresser : « Les écrivains voyageurs au XXème siècle », collection Points par Gérard Cogez. Belle soirée Anne. Laëtitia

  7. Retour.

    Laetitia : Oui, il y a en même temps quelque chose d’absolu et de totalement vain et désespéré dans leur quête. Je note les références. J’avoue, en général, ce n’est pas trop ce qui m’attire, mais je m’y mets, la preuve

  8. De retour de vacances, moi je te conseille vivement « Le clochard céleste » de Kérouac. Lu aussi d’autres textes de lui mais je crois me souvenir qu’un de ceux là était quasiment illisible. Je me replonge dès que possible dans un très beau recueil de Kérouac que l’on m’avait offert et je te dis quoi !

    BizBiz !

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