Chronique film : L’enfance du mal

de Olivier Coussemacq.

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Tu la sens la connerie qui arrive ? Clique.

Pas grand chose de tentant dans les salles ce we, alors c’est parti pour ma bête noire : un premier film franco-français bien classique. Et bien au risque de passer pour terriblement bisounours en ce moment, L’Enfance du mal est plutôt une bonne surprise et étonne par l’extrême finesse de son scénario. Céline est une jeune fille opaque. Squattant dans la cave de la maison d’un juge et de son épouse, elle est vite repérée par le juge. Après quelques errements il la recueille chez lui, sous l’oeil dubitatif de sa femme. Elle leur ment, on le sait : sa mère n’est pas morte, elle est en prison, elle n’a pas 16 ans, elle en a tout juste 15, et elle gagne de l’argent en piégeant des hommes trop attirés par les jeunettes. Le juge et sa femme font entrer le loup dans la bergerie, totalement conscients de faire une connerie, mais incapables d’agir avec fermeté.

La façon dont Coussemacq réussit à construire le passé et les liens entre ses personnages est totalement subtile. L’ « adoption » de cette gamine dans ce couple sans enfant est parfaitement ambiguë : si pour Madame, restauratrice de poupées anciennes (qui ressemblent à des enfants morts dit Céline), l’adolescente se substitue à l’enfant qu’elle n’a pas eu, pour Monsieur, la situation est beaucoup plus complexe. Il succombe physiquement à la jeune fille qui vient juste de lui raconter comment elle a été abusée enfant, et mine de rien les dents grincent. Le réalisateur parvient à raconter des choses glauques d’une manière élégante, qui au final, glace le sang : pédophilie, manipulation, décalage des repères sociaux et moraux. Sous son aspect très classique et polissé, le film affronte des sujets difficiles, casse-gueule, audacieux. Et ça fonctionne plutôt bien, notamment grâce aux interprètes, Anaïs Demoustier en tête, yeux insondables, visage impassible et corps du diable. Elle construit son personnage avec élégance et subtilité.

Malheureusement le film n’est pas sans défaut. Le final du scénario est trop explicatif : rester dans l’interrogation concernant les motivations de Céline aurait été beaucoup plus efficace. La mise en scène, bien que parfois assez inspirée (les archives qui se referment sur le juge, les jeux premier/second plans), reste trop académique : jolis cadres, jolies réflexions pour chaque plans, très belle photo, mais ça manque un peu de sel, de folie. Coussemacq semble attiré par le film de genre mais n’ose pas franchement s’y engagé. Un premier film qui intéresse cependant par son côté dérangeant et un réalisateur à suivre sans aucun doute.

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