de David Michôd.
Fascinant de voir ce film après l’incroyable Essential Killing. Non pas qu’Animal Kingdom soit fascinant, loin de là, et même au contraire. Mais la comparaison s’impose. Sur une thématique semblable, grosso modo la survie en milieu hostile, les deux metteurs en scène réalisent des films diamétralement opposés.
Animal Kingdom, c’est l’histoire Josh, le dernier rejeton d’une famille de gansters australiens. Josh, dont la mère vient de mourir d’une overdose, trouve refuge chez sa grand-mère, une grand-mère péroxydée et à la limite de l’incestueuse avec ses quatre fils. Traqués par la brigade anti-gang et par des flics peu scrupuleux, deux des oncles de Josh sont tués. L’instinct de vengeance familial se met alors en branle, et deux policiers de patrouille se font descendre. Josh, “maillon faible”, petit dernier de la famille, se fait cuisiner par les flics. Et du même coup, perd la confiance de ses oncles légèrement paranos. Tiraillé entre sa famille qui en veut à sa peau et les flics qui lui font du pied pour qu’il témoigne contre ses oncles, Josh doit trouver en lui les moyens de survivre.
Évidemment, raconter comme ça, le rapport avec Essential Killing peut paraître ténu. Et pourtant. Dans les deux cas, un personnage, confronté à un environnement hostile se voit obliger de se dépasser pour survivre. Dans les deux cas, le “héros” n’est pas quelqu’un de moralement irréprochable, et les actes accomplis par l’ensemble des personnages sont infects : il n’y a globalement pas de gentils. Mais le traitement de ces questionnements différent complètement d’un film à l’autre. Là où Jerzy Skolimowski a choisi une histoire et une manière de raconter sans aucune concession, aucune fioriture, et surtout aucun jugement moral afin de pousser le spectateur dans ses derniers retranchements, David Michôd préfère réaliser un film maniéré. Rempli de ralentis très ralentis (honnêtement, au lieu de deux longues heures, le film pourrait facilement en gagner une si on remettait en vitesse normale toute les scènes au ralenti), tartiné de musique ersatz d’Air, le film se regarde avec une certaine consternation. David Michôd semble avoir une peur panique du vide de son histoire et de ses personnages. Au lieu de s’en servir, de courageusement prendre son sujet à bras le corps, il choisit d’accumuler les “trucs” de petit malin pour combler les vides. Sa réalisation ose, c’est sûr, mais sans jamais convaincre. On aurait préféré quelque chose de plus simple mais surtout de plus sincère.
Il est vraiment regrettable que cette mise en scène lourdingue plombe autant le film. Le scénario était plutôt intéressant à la base, une sorte de polar en forme de tragédie grecque (non, Josh n’échappera pas à son destin), qui lorgnerait vers James Gray s’il avait un tout petit peu de classe. L’interprétation est également intéressante, que ce soit Josh (un peu monolithique mais ceci-dit assez magnétique James Frecheville) ou surtout sa grand-mère (effrayante Jacki Weaver). Mais ces bons points n’ont pas suffi à me faire sortir de ma torpeur ennuyée, et à me faire oublier un temps les images glaciales du magistral Essential Killing. Pas glop pas glop.
Une réflexion sur « Chronique film : Animal Kingdom »