de Christophe Esnault
La littérature m’a empêché de me suicider, alors je lui en veux…
Après le romantisme échevelé d’Isabelle à m’en disloquer, Christophe Esnault publie ce court texte d’un romantisme noir et ébréché.
Rencontre sexuellement très agressive entre un ex-taulard en fuite, René, et une femme au foyer fragile, Florence. Amor Omnia c’est la cavale de ces deux êtres brisés, dont le seul véritable but est d’échapper à un quotidien qui leur est devenu insupportable. René et Florence iront voir la mer, mais n’iront pas plus loin, à l’adrénaline de leur fuite succède l’enfermement du quotidien.
La véracité des événements et des personnages semblent peu intéresser l’auteur. Certains détails dans la composition des personnages apparaissent ainsi bien peu crédibles : l’ex-taulard qui cherche un livre rare de Brautigan chez un bouquiniste pour l’offrir à Florence par exemple. Le roman semble plutôt être l’expression d’un fantasme romantique de l’auteur, une histoire projetée, toujours à la frontière étroite entre le cauchemar et le rêve, une façon d’échapper à son propre quotidien grâce au recours de l’imagination et au fantasme de l’amour absolu.
Parfois un peu maladroit et bancal, Amor Omnia est cependant très touchant par la fragilité qu’il dégage, ses personnages border-line, et ses dialogues romantico-surréalistes. Une petite curiosité à découvrir.
Ed. Les Penchants du roseau
Merci pour votre lecture critique d’Amor omnia de Christophe Esnault.
Une petite remarque, toutefois. Si la crédibilité des personnages avait grande importance en littérature, des pans entiers de nos bibliothèques s’effondreraient. Pourtant, ici, qu’un ex-taulard s’intéresse à Brautigan, au point de se rendre jusqu’à une librairie du bout de la terre – mais à côté – pour acheter un livre devenu rare et l’offrir à son amante, est – pour moi – plus que vraisemblable. J’ai dans les replis de ma mémoire une kyrielle d’anecdotes de cette trempe. Lorsqu’elles n’ont pas rejoint « La courbe des choses oubliées » :
« Les choses s’incurvent lentement hors de vue
jusqu’à disparaître tout à fait.
Après ne reste plus
que la courbe. »
« The Curve of Forgotten Things
Things slowly curve out of sight
until they are gone. Afterwards
only the curve
remains. »
Richard Brautigan in Loading Mercury with a Pitchfork, éd.1976.
Bonsoir et merci pour Brautigan.
Je me suis sans doute mal exprimée. Effectivement, la crédibilité des personnages n’a pas grande importance en littérature. J’ai parlé de ça pour insister sur le fait que Amor Omnia me semble une projection d’une vision ultra romantique de l’amour, d’un romantisme qui n’est pas pré-fabriqué, ni mièvre, ni stéréotypé, mais qui me semble être un mélange de réel et de fantasme cru très personnel et donc original. Et c’est ça qui m’a intéressé.
Merci, Anne, pour ces précisions.
À vous lire.