Chronique livre : K. 622

de Christian Gailly.

Jamais je ne retrouverai mon émotion, jamais je ne serai capable d’écrire ce que j’ai éprouvé ce soir-là, je crains même que la recherche des mots ne dissolve tout à fait le souvenir que j’en garde.

Pas franchement transcendée par le précédent roman lu de Christian Gailly, l’Incident, j’ai pourtant été séduite par le thème de K. 622. Pour la première fois, un homme entend à la radio le concerto pour clarinette K. 622 de Wolfgang Amadeus Mozart. Son émotion est telle que, dès le lendemain, il part à la recherche du disque. Il en achète trois versions. Mais aucune ne lui procure les mêmes sensations que lors de sa première écoute. Il décide donc d’aller écouter l’oeuvre en concert. Mais pour y aller, il a besoin d’un costume… Je ne vous raconte pas la suite, ce serait trop étrange.

Car K. 622 est un court roman vraiment étrange, et je ne sais trop quoi en penser. J’ai bien l’impression d’être complètement passée à côté du propos de Christian Gailly. J’ai d’abord du mal à suivre son écriture, fort tortueuse, pour raconter l’histoire d’un gars lui-même tortueux. Le parti-pris est très intéressant, mais ne m’a pas franchement emballé. Je reconnais à l’auteur beaucoup d’habileté, mais, le blocage vient probablement de moi, je n’accroche pas vraiment. Bizarre également ce changement de point de vue. Le récit débute à la première personne, puis se poursuit à la troisième, comme pour mettre à distance ce personnage, somme toute assez peu fréquentable. D’une interrogation brillante (une émotion est-elle liée au lieu et au moment, est-elle reproductible, comment essayer de faire renaître une émotion ?), Christian Gailly compose un récit éclaté en quatre parties, qui peine à former un tout.

Pourtant le roman se termine plutôt mieux qu’il ne se développe, par l’intrusion d’une aveugle dans la vie du héros, et sa supplique maintes fois répétée Parlez moi que je sache où vous êtes, apporte une note lancinante et quelque part fantomatique plutôt intéressante. Bref, un sentiment mitigé en reposant le livre, et l’impression tenace de ne pas avoir su saisir l’essence de la chose.

Chronique livre : L’incident

de Christian Gailly.

Incident. Clique.

Jolie petite chose que cet Incident, fidèlement mise en image par Resnais sous le titre Les Herbes folles. Rien d’étonnant que ce petit bidule fantaisiste, plein de mystère ait tapé dans l’oeil du maître. Resnais a pris au mot Gailly et à mis en image, littéralement, sa prose. On a l’impression de lire le scénario du film tant il est fidèle. Les seules différences résident dans les points les plus sombres de l’oeuvre initiale, qui ont été tirés vers la lumière par le cinéaste. Difficile donc de se détacher du film pour parler objectivement du film. Cependant, la lecture est très agréable. Gailly a un style bien particulier, qui n’est pas sans rappeler celui d’Emmanuel Darley : phrases tronquées, langage parlé, écrit au millimètre. L’univers est totalement foldingue, plus inquiétant que chez Resnais, vraiment particulier. C’est un peu aussi sa limite. L’Incident est une mignonne histoire bizarre qui se déguste comme un bonbon : beaucoup de plaisir sur le coup, mais très vite digéré.