Chronique livre : De sang-froid

de Truman Capote

 

Un peu d’appréhension à me frotter à un tel classique, je vous avoue. La première fois que j’ai entendu parler de Capote (ou plutôt de Capoté !), c’est dans « Todo sobre mi madre » d’Almodovar, puis l’année dernière la sortie du film (que je n’ai pas encore vu). Résistant aux sirènes de la promotion et de l’actualité, je n’ai pas voulu lire de Sang-Froid… et puis au détour d’un changement de train un peu long, d’une gare un peu froide, d’un Relais H. accueillant, j’ai fini par succomber.

Agréable surprise de voir que le livre était dédicacé à Harper Lee, dont l’unique et délicieux roman « To kill a Mockingbird » (Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur en VF… no comment), m’a fait verser un tombereau de larmes dans un train bondé (décidément, la majorité de mes lectures ont quelque chose à voir avec les gares et les chevaux de fer).

De Sang-froid est une roman, mais non une fiction. Basé sur un fait divers réel (deux petites frappes tuent gratuitement quatre membres d’une famille méthodiste respectée d’un bled du Kansas), et sur une enquête minutieuse, le bouquin frappe d’abord par son style. Détaché, infiniment ironique sans forcément en avoir l’air, très circonstancié, on est exposé aux faits, rien que les faits, détaillés, aux histoires de chacun, chacun à sa voix, sa liberté d’expression, son point de vue exprimé. On navigue constamment entre parcours de Perry et de Dick (les meurtriers), investigation du flic Dewey, avis divers et variés des différents habitants de Holcomb (le bled). C’est tout un univers qui est recréé par ce bouquet de voix.

Sans aucun mobile apparent (la famille est un « modèle », qui ne gardait jamais d’argent liquide at home), le quadruple meurtre est résolu par le cafardage d’un ex-codétenu de Dick. Perry et Dick sont arrêtés, après un périple parsemé de délits variés, jugés coupables et, après de longues années passées en prison, pendus.

L’apparente neutralité journalistique du ton n’est qu’un leurre. Mine de rien, à force de brosse à reluire, la famille massacrée en devient agaçante de perfection. Finalement peu intéressé par ces personnages, Capote a visiblement passé beaucoup plus de temps sur la personnalité des deux criminels, et surtout sur celle de Perry Smith. Né dans une famille de saltimbanques, malmené toute sa vie, difforme à la suite d’un accident, d’une intelligence assez vive, malgré le peu d’instruction », et surtout dénué de tout sens moral, Capote réussit à faire de lui un personnage totalement attachant, ambigu et mystérieux. On sent une réelle proximité entre l’écrivain et son sujet, assez troublante.

En conclusion, que dire ? un classique, à dévorer, évidemment.

3 réflexions au sujet de « Chronique livre : De sang-froid »

  1. Eh ben voilà, tu vois que tu peux parler des grands livres sans rougir. De sang-froid est un de mes bouquins préférés, et révérences serviles de l’avoir aimé itou (même si on sent un certain détachement dans ta critique, isn’t it ?).

  2. Lire

    Gols : oui mais insatisfaite du résultat… trop incomplet. Détâchement certes, le parti pris masqué a fini par m’agacer sérieux, pourtant, au début, la critique acide des us et coutumes du bon américain me réjouissait franchement…

    Phaeton : ça sert à ça les vacances. Et puis c’est une question de choix, tu fais du théâtre, je lis

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