Chronique film : Les chansons d’amour

 de Christophe Honoré

« Aime-moi moins, mais aime-moi longtemps« 

Dans un Paris tendance décrépit et grisâtre, on s’aime, on s’éloigne, on meurt, et on essaie de se reconstruire, tout ça, de préférence en musique, et en chansons.

Il y a quelque chose d’assez agaçant dans Les Chansons d’amour. Chez Honoré, on lit les bons livres (depréférence aux éditions de l’Olivier), on écoute la bonne musique, les lycéens déclament du Aragon dans les rues à 7 heures du mat’, et possèdent une bibliothèque digne de rendre jaloux les plus intellectuels des bobos, on est toujours fringué avec un détail retro-moche-qui-tue (d’ailleurs, Louis Garrel m’a volé mon écharpe-poulpe que j’ai faite de mes blanches mains). Bref, Honoré ne fait pas vraiment partie du même monde que le commun des mortels, on navigue dans un microcosme parisiano-parisien, et malgré quelques images de rues, de pauvreté et d’affiches déchirées, on n’en sort guère.

Mais voilà, les sentiments, les situations dont parle Honoré sont tellement universels que le contexte importe assez peu, il est même parfois un atout. Car dans cette sphère, il n’y a pas de tabous amoureux. Les sentiments ne dépendent pas d’un schéma type, ils naviguent de l’un à l’autre, garçons ou filles, à deux ou à plusieurs. Le film est mouvement, communication, liberté, et quand on n’arrive pas à se dire les choses, on les chante, et c’est d’autant plus poignant.

Honoré se révèle un maître es-personnages. En deux coups de caméra, et trois lignes de dialogues, il fait exister ses créatures de manière brillante,élégamment bien servi par sa pléiade d’acteurs, tous très justes.La mère poule, qui se mêle un peu trop des affaires de sa fille, la sœur aînée, oreille attentive et protectrice, la benjamine qui ne survit qu’avec un livre en poche. C’est très fin, et très précis, vraiment brillant. Et puis, évidemment, il y a Julie, la cadette indécise (Ludivine Sagnier), la lumière qui meurt trop vite, Ismaël, son fiancé qui n’assure pas toujours (Louis Garrel, en lévitation), et Alice, la troisième roue du tricycle, pont entre les êtres, et électron libre (Clotilde Hesme, lunaire).

Quand Julie meurt, de manière imprévisible et brutale, c’est tout ce petit monde là qui doit réapprendre à vivre. Et c’est magnifique de justesse et de pudeur. On est bouleversé à peu près toutes les deux phrases, sans pour autant qu’il y ait une once de pathos. Les sentiments deviennent universels, prennent de l’ampleur, chacun essaie de survivre comme il peut. Alors à ce moment là, on se fout que le petit breton ait l’accent auvergnat, que les play-back ressemblent à des post-synchros felliniennes, que les ados aient 25 piges, et qu’il y ait deux-trois longueurs. On se laisse emporter, on rit, on pleure et c’est assez magnifique. Peut-être pas le chef-d’œuvre du siècle, mais un bien beau film.

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