(1924) de S. M. Eisenstein
La Grève est une pure splendeur, un choc, un uppercut, un bouleversement sans fond, si ce n’est par le sujet (propagande assumée, mais pas si inutile de nos jours), mais surtout par l’extraordinaire maîtrise formelle de l’ensemble.
Premier film d’Eisenstein, et déjà un chef d’oeuvre, La Grève assomme par sa dynamique, son inventivité, l’intelligence de chaque plan. C’est d’une modernité absolue et ça a été réalisée en 1924. J’en suis encore bouche bée. Il y a d’abord la composition des plans, toujours impeccable (bien que je soupçonne le portage DVD de sucrer au moins un tiers de l’image). Les bouilles pas possibles des acteurs, succèdent aux plans d’ensemble et aux jeux de miroirs et de reflets. Quasiment que des plans fixes, si j’ai été bien attentive, mais tous dotés d’une incroyable force vitale, d’un mouvement, d’une urgence particulière. La même scène est filmée sous des dizaines d’angles différents, et le montage, rapide, d’une précision redoutable, est impressionnant.
La caméra filme la foule comme un seul homme, les prolétaires n’existent que parce qu’ils sont solidaires, et il est clair que la désunion entraînera leur perte. La Grève donne à 1000 occasions le sentiment que plus rien de neuf n’a émergé d’un point de vue cinématographique depuis 1924. En dehors des prouesses techniques, La Grève est riche d’un point de vue scénaristique, tantôt très drôle (les mimiques « comedia » des acteurs sont dosées au millimètre près), tantôt très tendre (les moments de bonheur en début de grève, le gamin qui vient réveiller son père), tantôt haletant (les scènes de foules, de mouvements populaires), tantôt insoutenable (le gamin balancé du haut d’un escalier, ça fait ploc dans le bide). Bien que film de propagande, le sujet est pourtant, et plus que jamais d’actualité. La Grève a été un des leviers de progrès social le plus important. La menace qui pèse sur lui de nos jours est une régression indéniable, tout comme le « travailler plus ». Nos aïeux se sont battus pour que leurs descendants aient la liberté d’avoir une vie en dehors du boulot, avec des conditions acceptables. Il faudrait peut-être songer à respecter leur taf.
Halte donc aux préjugés (je parle des miens), qui me font toujours retarder le moment d’aborder un film muet. Il me reste Octobre sur mon étagère, il n’attendra sûrement pas aussi longtemps. Pour finir, je dois tirer mon chapeau au compositeur de la musique d’accompagnement, bien au-dessus de ce qui habille habituellement les films muets.
a Manille, nous avons eu un mini-festival du film muet avec orchestre dans la salle ! un moment entre pénible et plaisir!
Posté par lasiate, 23 septembre 2007 à 05:20
Merci merci pour cette critique…
Posté par Still, 23 septembre 2007 à 21:38
JE VOIS !
Lasiate : mmm, je vois bien ce que tu veux dire ! Je vous liénise si ça ne vous dérange pas
Still : merci merci à toi de l’avoir lue !
Posté par Anne, 23 septembre 2007 à 23:03
ouui oui oui un chef d oeuvre!
Posté par elaine, 26 septembre 2007 à 16:16
3.
Elaine : mazette un troisieme commentaire sur Eisenstein, je suis tourneboulée ! merci
Posté par Anne, 26 septembre 2007 à 21:27