de Cormac McCarthy.
Un homme et son enfant taillent la route vers le Sud, en quête d’un peu de chaleur. Ils marchent dans un pays dévasté par une catastrophe dont on ne sait pas grand chose. Des cendres, des corps calcinés, des arbres brûlés . L’apocalypse a eu lieu. Leur vie se résume à avancer, à trouver de la nourriture pré-apocalypse encore comestible dans des maisons décrépites, à survivre aux attaques des quelques humains rendus fous par la faim. L’homme veut que son enfant vive, cet enfant qui est tout pour lui. L’enfant n’a jamais rien connu d’autre que cet enfer, jamais entendu le chant d’un oiseau, et a souvent du mal à comprendre pourquoi il faut absolument survivre, alors que sa mère, elle, a préféré partir.
Pas de doute, McCarthy méritait son Pulitzer pour ce magnifique roman. Naviguant dans des eaux de transition, entre anticipation, et réflexions intimes sur le sens de la vie, La route est un roman fois ample, lyrique, puissant. La simplicité de son processus met en valeur la force et le souffle de l’écrivain. Cette force n’est pourtant jamais écrasante, et les rapports entre les deux personnages forment le coeur du roman, et posent les questions délicates de l’attachement des êtres, et de l’origine de l’instinct de survie. Pour ce père, son enfant est tout, sa raison de vivre. Lui qui a connu l’avant, il cherche désespérément à faire entrevoir à son gamin qu’il y a un espoir. L’espoir chez cet homme naît de son vécu antérieur, des choses agréables qui lui sont arrivées auparavant. La connaissance du bonheur, ou du moins du bien-être passé induit chez lui le besoin de le faire entrevoir à son gosse, à défaut de lui faire vivre vraiment. Mais pour l’enfant, comment avoir de l’espoir ? Il n’a jamais rien connu d’autre qu’un monde dévasté, un monde de survie, sans confort, sans quiétude, sans amis. Le père essaie de lui procurer les attributs d’une enfance qu’il n’aura jamais (des jouets, des histoires, le bien, le mal), mais tous ses efforts sonnent creux. Les référentiels de l’enfant ne sont pas ceux du père. Ils ne partagent au final que cette route, et un peu de tendresse, sans autre socle commun. L’enfant ne comprend pas à quoi sert de survivre dans un tel univers. Ne compte pour lui que son père, mais aucun élément extérieur.
Outre a question de l’instinct de survie, La Route pose la délicate question de la définition de l’humanité. Face à cette apocalypse, les hommes sont poussés dans leurs retranchements. La plupart deviennent visiblement des barbares, sans morale, mangeur de bébés. Cette évolution est-elle une déshumanisation ? ou bien est-ce justement la perte par l’enfant de son envie de vivre qui en est une ? Qu’est ce qui fait l’homme ? Son instinct de survie ou sa moralité ? Je vous passe tous les parallèles qu’on pourrait mener entre l’actualité et ce roman. Comme toute bonne anticipation, on peut projeter les menaces qui planent sur l’humanité dans le roman : faim dans le monde, réchauffement climatique, catastrophe nucléaire…
Le style deMcCarthy est absolument magnifique. Phrases brèves, percutantes, répétitions, dialogues au couteau, on sent l’urgence, la vie qui ne tient que par un fil. Ça pourrait être asphyxiant, c’est juste passionnant et magnifique. Une belle réussite.
un critique enthousiaste qui donne envie de lire ce livre.
Je me pose une question . Quel age à l’enfant car je n’arrive pas à imaginer qu’un enfant se pose la question de survivre. Artifice littéraire?
La route.
Lasiate : pas de précision sur l’âge de l’enfant dans le livre. On imagine une petite dizaine d’années, mais ce n’est pas sûr. Le livre n’a pas pour but d’être spécialement réaliste. Mais moi, ça ne me trouble pas plus que ça qu’un enfant se pose des questions existentielles !
Le feu, à l’intérieur de soi. Beau rendu dans ta chronique. Lasiate, un enfant se pose la question de sa survie tout jeune : la mort est une constante avec laquelle il « joue » dès son plus jeune âge
La survie se pose très tôt en fait, à priori ça ne devrait pas, et pourtant chez certain c’est indispensable, ce qui donne une faculté à vivre hors du commun, attention ça ne rend pas la vie plus simple ou toute rose, je sais de quoi je parle.
Le feu.
Laetirature : merci, je vois que tu l’as lu
Didier : voilà, c’est dit.