Chronique film : Etreintes brisées

de Pedro Almodovar.


Aurore boréale ? Le pouvoir de l’image… Clic.

Je sens que je vais me faire lyncher, mais il faut bien que je l’avoue : j’ai eu un mal fou à rentrer dans ce film classieux que j’attendais la larmichette toute prête à déborder. Mais voilà, la mayonnaise n’a pas pris, et il a fallu attendre les trois quarts du film pour que je commence à y trouver un tout petit intérêt.

Inutilement tarabiscotée au départ, et pleine de cul-de-sac, l’histoire se linéarise ensuite en un long flash-back très inégal, puis un dénouement maladroit mais mignon. Un des problèmes d’Almodovar qui m’avait déjà gêné dans la Mauvaise Éducation, c’est qu’il filme et dirige admirablement les femmes, mais il est vraiment manchot avec les personnages masculins. Et des personnages masculins, il y en a beaucoup ici, quatre principaux. Sa direction d’acteurs devient alors difficile à cerner (à part José Luis Gomez, les autres moulinent vraiment dans le caramel, surtout le catastrophique Ruben Ochandiano ), la caméra se fait lourde, trop fixe, théâtrale ou tentant des mouvements maladroits et peu lisibles. On serre les dents alors.

Heureusement, Almodovar n’étant quand même pas le dernier des plâtriers, il réussit in extremis à s’en sortir par quelques idées et quelques plans absolument bouleversants. Etreintes brisées, c’est l’histoire de trois histoires d’amour : celle passée de l’agent avec le metteur en scène, toute en hors-champs mais qui sert d’étau au film, celle du vieille homme politique pour sa maîtresse, Lena, un peu trop jeune, belle, et finalement trop indépendante, enfin l’histoire partagée entre le metteur en scène et Lena. Et c’est dans le romantisme noir tiré de ces amours que naissent les plus belles scènes, magistrales, du film. En fait, je le soupçonne de n’avoir tourner ce film que pour ces quelques plans épars et magnifiques qui renversent complètement la cervelle. Le personnage de Lena n’y est également pas pour rien, et Penélope Cruz est absolument parfaite : trouble, flamboyante, brisée, acceptant de se « vendre » par reconnaissance, mais aussi de tout lâcher par amour, c’est la belle réussite du film.

Almodovar est un génie quand il filme les gens « l’un derrière l’autre ». Je m’explique : Le politicien étreint sa femme de dos devant une immense nature morte aux pommes ou dans le dos de Lena fait semblant d’être mort pour découvrir sa réaction, son fils placé derrière Lena filme son visage par le biais d’un miroir, l’agent serre son fiston par derrière devant un évier, Lena derrière Matteo qui prend une photo le serre comme pour ne pas le perdre, Matteo derrière Lena en train de regarder un film… L’amour ici ne peut pas être dit frontalement, il est puissant, mais contrarié. Et la fin de l’amour de la même façon passe par un biais (sublime scène où Lena annonce à son mari, dans son dos, qu’elle le quitte, en faisant la voix d’une vidéo muette tournée par le fils).

Réflexion sur le regard, sur la projection (au propre et au figuré) de l’image qu’on se fait des autres (arghhhh les mains de Matteo sur l’écran où le visage de Lena apparaît), sur la mort de l’image/mort de l’amour, cri d’amour évident au cinéma (images du génériques de début, métamorphoses de Lena ,…) Étreintes brisées est sans doute le film le plus personnel et angoissé de son auteur, mais trop inégal pour être le chef d’oeuvre qu’on attend de lui : un toute petite dizaine de scènes sublimes noyées dans 2h de film corseté, c’est trop peu. A quand le prochain ?

6 réflexions au sujet de « Chronique film : Etreintes brisées »

  1. J’éviterais le lynchage en direct Ce film m’a « presque » bouleversé… Sublime Penelope Almodovar trouve son inspiration dans son manque d’inspiration Un beau film qu’il faut regarder en se laissant aller, en lâchant prise… tu vois, je ne suis pas rouge de colère

  2. « Aurore boréale ? »

    Aurore boréale et quoi encore.
    C’est un bol de céréales photographié à quat’ heures du mat’ les yeux tout dans l’brouillardeux.
    Ça se voit.
    (Le Professeur Stump)

  3. Votre critique est alléchante. Vous me donnez (presque) l’envie d’y retourner voir de plus près, car j’ai l’impression d’être (un peu) passé à côté….
    Car, j’ai été déçu : trop de grosses ficelles, des plans appuyés, comme si Almodovar nous disait : »vous avez vu là ? Regardez bien ! » (sur les talons aiguilles juste avant la chute, sur le couple du politicard et de la Belle,de dos, dans le couloir de l’hôpital -le couple/la mère/re le couple- ,etc.)On se dit non, çà va pas être çà ?? Ben si.
    Heureusement, il y a Pénépole….
    Mais bon. Personne ne peut être au top tout le temps… Alors, moi aussi : j’attends le prochain…

  4. Penelope

    Philippe : je ne devais pas être assez zen alors Oui je me suis un peu ennuyée, tout en reconnaissant que c’est beau. Bon à part les personnages masculins, ok

    Professeur Stump : ah ah, on fait le malin, mais ça ne fonctionne pas. Oui monsieur, c’est une aurore boréale ! Vous avez vu mes cachets ?

    Bancalou : attention, je me suis quand même bien ennuyée. Mais quelques plans sauvent la mise. merci pour le retour !

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