de Tanguy Viel.
Très grand livre que La disparition de Jim Sullivan. Je savais Tanguy Viel excellent technicien. Son Absolue perfection du crime m’avait épaté par son impeccable maîtrise formelle, même si la belle mécanique finissait par tourner un peu à vide. Avec ce nouveau livre, l’auteur va bien plus loin dans sa recherche, et mêle réflexion littéraire, analyse stylistique et véritable roman.
Qu’est ce qu’un roman américain se demande Tanguy Viel ? Comment les auteurs américains ont-ils réussi à rendre leurs romans aussi universels ? Comment les fondamentaux géographiques, culturels des Etats-Unis ont-ils pénétré toute leur littérature sans pour autant l’enfermer dans un carcan géographique ? Pour mener son analyse, Tanguy Viel décide donc d’écrire lui-même son roman américain. Et au fur et à mesure que se déroule son histoire, il explique en quoi ses choix narratifs relèvent du roman américain.
Alors comme ça évidemment, ça ne paraît pas forcément sexy, et pourtant. Tanguy Viel réussit parfaitement à intégrer ses commentaires à son récit et tout fonctionne à merveille, avec une parfaite fluidité. Il réussit à mettre le doigt sur les composantes fondamentales du roman ricain (on sent que l’auteur a toutes les bonnes références qu’il faut), à extirper les ficelles, des plus fines aux plus clicheteuses et à composer une histoire utilisant toutes ces recettes. Et son histoire est brillante, elle évite justement tous les pièges, sait se faire subtile, émouvante, toute en distance en même temps qu’en résonance avec son personnage.
Tanguy Viel a tellement de maîtrise que, derrière la prouesse formelle, il réussit véritablement à écrire son roman américain. Bien d’autres auteurs français ont essayé, comme Djian par exemple, mais s’y cassent plus ou moins les dents. Tanguy Viel y parvient, fingers in the nose, en s’autorisant même ce dispositif taquin et érudit. Sa construction lui permet une mise à distance salutaire qui évite à l’entreprise de tomber dans le piège de la perfection un peu glacée et lui insuffle beaucoup d’humour et de légèreté.
Un livre français drôle, émouvant et profond, et un sacré roman américain écrit par un auteur virtuose.
Ed. Les Editions de Minuit
Une réflexion sur « Chronique livre : La Disparition de Jim Sullivan »